Communes-Canton: «On va entrer dans le dur»

POLITIQUE • Thierry Apothéloz est le nouveau président de l’Association des communes genevoises, qui regroupe les 45 communes du canton. Avec le désenchevêtrement, son avenir s’annonce crucial. Explications.

  • Thierry Apothéloz, le nouveau président de l’Association des communes genevoises. DR

    Thierry Apothéloz, le nouveau président de l’Association des communes genevoises. DR

«Le Canton de Genève est le plus centralisateur de Suisse. L’équilibre peut être modifié.»

Thierry Apothéloz, président de l’Association des communes genevoises

GHI: Vous venez de prendre la tête de l’Association des communes genevoises (ACG). En quoi comptez-vous vous distinguer de vos prédécesseurs (C. Kuffer, J.-M. Mermoud, S. Dal Busco…)?

Thierry Apothéloz: J’ai grandi dans un quartier populaire, aux Avanchets et je suis maire de Vernier depuis 2003. Ma commune connaît des enjeux majeurs en termes de chômage, sécurité, aménagement du territoire, mobilité, cohésion sociale et finances. Je souhaite montrer, à l’image de ce que j’ai pu faire à Vernier, qu’une commune ce n’est pas qu’une mairie et de la paperasse, c’est aussi une manière d’agir et d’améliorer le quotidien des gens. C’est là la source de mon engagement et ma motivation au service de l’ACG.

GHI: Comment exister face au Canton? Pour vous, la nouvelle répartition des tâches entre Canton et communes, est-ce un moyen de réhabiliter l’ACG ou de l’étouffer?

T. A.: Le dossier du désenchevêtrement a connu une première étape formelle; maintenant, on va entrer dans le dur, à savoir: quelles compétences Canton et communes vont devoir assumer. Il y a un gros décalage entre les communes genevoises, qui sont les moins dotées de Suisse, et la nouvelle Constitution qui impose un rééquilibrage.

GHI: Très concrètement, ces défis concernent le parascolaire, la signalisation de la mobilité ou encore les aînés…

T. A.: Ce premier train de loi a été voulu par le Conseil d’Etat, en accord avec l’ACG. A présent, on va faire des propositions. Le souhait des magistrats que l’ACG représente, c’est d’avancer dans trois domaines. Le premier, en matière de gestion de la mobilité dans les communes, pas sur des axes cantonaux mais sur des routes secondaires. Le second consiste à donner une place plus importante aux communes sur la question de l’aménagement du territoire. Sans aller jusqu’à délivrer des permis de construire, il faudrait que les communes puissent mieux maîtriser ce développement. Le troisième, enfin, concerne la politique sociale de proximité.

GHI: Une compétence plutôt cantonale et fédérale...

T. A.: Oui, mais nous avons un rôle à jouer dans le domaine spécifique de la petite enfance et dans le domaine social en général.

GHI: Le nerf de la guerre reste l’argent. L’Etat n’en a plus, les communes oui. Dans le même temps, on a l’impression que celles-ci jouent en Challenge League alors que le Canton évolue en Super League!

T. A.: Les budgets ne sont pas comparables (7,8 milliards pour le Canton, 2,2 milliards* pour l’ACG, NDLR) mais les compétences ne sont pas les mêmes non plus. Ceci dit, le canton de Genève est le plus centralisateur de Suisse. Cela a toujours été le cas. Les communes doivent profiter du débat actuel sur la répartition des tâches pour modifier cet équilibre! L’ACG, en tant qu’institution de droit public, joue son rôle de fédérer l’ensemble des communes dans ses relations avec l’Etat.

GHI: Pour autant, l’ACG a une image un peu vieillotte. Comment comptez-vous la dépoussiérer?

T. A.: L’image de l’ACG n’est pas à la hauteur de son engagement. Certainement parce que nous ne communiquons pas suffisamment. A nous d’en donner une autre.

GHI: C’est-à-dire?

T. A.: L’ACG est une plateforme entre communes pour faciliter l’échange de bonnes pratiques et apporter des solutions. Il faut qu’elle devienne un laboratoire de bonnes idées, une sorte de think tank de proximité.

GHI: Pour cela, l’unité peut être la clé. Or, l’ACG est multicolore puisqu’elle défend aussi bien des communes comme Gy (509 habitants, exécutif à droite) que Vernier (35’211 hab., exécutif à gauche). Comment concilier des intérêts aussi divergents?

T. A.: L’ACG défend la place des communes dans leurs relations avec le Canton. Dans ce cadre, les intérêts de Gy et de Vernier sont les mêmes. En revanche, dans la façon d’exercer leurs compétences, les enjeux diffèrent entre les communes rurales et urbaines. Mais l’unité n’est pas l’uniformité. Il faut voir cela plutôt comme une recherche pour exister de manière encore plus forte. * budget cumulé des communes

Grand Genève: "A un moment, il faut agir..."

BD • Côté français, l’équivalent de l’ACG (Association des communes genevoises) pourrait être l’ARC (Assemblée régionale de coopération), qui regroupe les communes frontalières de Genève. Un rapprochement entre les deux structures n’est pas exclu, à en croire le président de l’ACG, Thierry Apothéloz: «On entend trop souvent que le Grand Genève n’existe que dans la tête des politiciens. Or, il existe au quotidien. Le Grand Genève se réalise déjà, par exemple dans les relations que Vernier entretient avec Archamps ou Thônex avec Annemasse. A un moment, il faut agir: soit le Grand Genève reste au niveau des déclarations politiques, soit on le fait vivre, humainement, au niveau du sport, de la culture…»