Cour des droits de l'Homme: la Suisse condamnée depuis une tour d'ivoire

  • STÉPHANE CHOLLET

JUSTICE • Dans un arrêt du 15 mars, la Cour européenne des droits de l’Homme, sur recours de la faîtière des syndicats genevois (CGAS), a condamné la Suisse pour ne pas avoir autorisé le défilé du 1ermai 2020. Avec leur petit rétroscope juridique, quatre juges contre trois ont décidé que la Suisse ne pouvait pas, du 17 mars au 30 mai 2020, interdire toute manifestation dans l’espace public, sans ouvrir une voie de recours pour faire examiner la légalité et la justesse de cette mesure.

Je ne m’attarderai pas sur la controverse de savoir si la CGAS, qui avait d’elle-même renoncé à cette manifestation, pouvait s’adresser directement à Strasbourg sans passer par le Tribunal fédéral (TF).

Je m’étonne cependant que depuis leur tour d’ivoire, à la sortie balbutiante de l’une des crises sanitaires les plus meurtrières qu’a connues la planète depuis un siècle et alors que les bombes tombent aux portes des pays membres du Conseil de l’Europe, une majorité de juges puisse raisonner dans la plus totale abstraction, sans se demander quelle était l’envergure de la manifestation projetée, sans s’interroger sur la propagation du virus à l’époque, sur l’absence de vaccination ou de traitement efficace, sur la surcharge des hôpitaux ou sur les mesures prises ailleurs en Europe.

Etait-il imaginable le 1er mai 2020 de voir défiler à travers Genève des milliers de manifestants, auxquels se seraient ralliés opportunément tous les anti-tout environnants?

Mais ce qui me scandalise plus encore, c’est de voir que la Suisse a été condamnée grâce à la voix de son propre représentant, un ancien juge du TF (ndlr: Andreas Zünd), sans doute trop heureux de faire la leçon à son pays et de donner ainsi bien inopportunément l’image de son indépendance.