«Dans le noir» offre une parenthèse inattendue

INÉDIT • Depuis trois mois, le concept de ce restaurant plongé dans l’obscurité s’est installé sur les quais. Une expérience culinaire et humaine originale! Suivez le guide.

  • Une expérience inédite et un plaisir pour les papilles. PHOTOS DANSLENOIR

    Une expérience inédite et un plaisir pour les papilles. PHOTOS DANSLENOIR

Le rendez-vous est fixé à 20h. Les convives intrigués débarquent au compte-gouttes au Ritz-Carlton Hôtel de la Paix. C’est là, que depuis un peu plus de trois mois le restaurant «Dans le noir» a posé ses valises. Les manteaux, sacs à main, briquets et téléphones portables confisqués, place à l’expérience! Dans le salon, chaque duo trinque à sa table attendant sagement qu’Océane, hôtesse du lieu, les mène dans le restaurant.

De cet espace, personne ne saura rien. La configuration des tables, la grandeur de la pièce, la décoration, rien ne filtrera. Car, comme le veut le concept, la dégustation qui va suivre, va se dérouler dans le noir le plus complet.

Jusque-là distants les uns des autres, les trois femmes et les trois hommes sont invités à se placer en file indienne, chacun posant une main sur l’épaule de son prédécesseur. Le serveur, Roine, non voyant, mène le bal. «Une fois le rideau franchi, vous serez dans le noir le plus total, explique-t-il. N’hésitez pas à utiliser tous vos sens pour déguster. Et si vous voulez sortir pour aller aux toilettes, appelez-moi. Inutile de lever la main, je ne vous verrai pas.»

Vin rouge ou vin blanc?

A la queue leu leu, votre serviteure, Katya, Céline, Alain, Mehdi et Thibaut ouvrent le rideau et pénètrent dans cet antre obscur. La mise en place n’est pas aisée. Il faut tirer sa chaise, trouver sa fourchette et surtout se servir un verre d’eau sans se tremper. A tâtons, on prend peu à peu ses repères.

Quand vient l’entrée, on est déjà plus assuré. La conversation avec les voisins s’engage. «Vous sentez le vinaigre?»; «J’aurais plutôt dit un agrume…»; «Le vin, c’est un rouge non?»; «Je parie sur un cidre!»

Bien vite, les fourchettes cèdent la place aux doigts. Le toucher associé à l’odorat s’avère fort utile pour identifier le contenu de chaque plat. On picore, on teste, on tâte, on goûte. Les palais se font plus affûtés. Chacun tente de reconnaître tel ou tel ingrédient, telle ou telle texture. «Il y a une purée… mais de quel légume?»; «Ce sont des pickles non?»; «Par-dessus, ils ont mis une chips on dirait.»

Entre chaque plat, les devinettes se poursuivent. De l’âge à la profession des convives, tout est prétexte au jeu. Si la journaliste, invitée à tester le concept par l’établissement, joue carte sur table, d’autres sont plus énigmatiques. Dans le noir, on partage même quelques confidences. Et quand l’assemblée entonne un chant pour les 46 printemps de Mehdi, ce dernier lâche : «Je n’ai jamais eu droit à un joyeux anniversaire aussi vibrant sur le plan sonore.» En revanche, pas de bougie!

A l’heure du dessert, la tablée a perdu la notion du temps. Les trois couples échangent désormais sur le pouvoir de l’hypnose, le bonheur d’être parent ou sur les projets professionnels des plus jeunes. Tout en s’interrogeant: «Il y a des morceaux de fruits. Mais lequel?»

Pour le savoir, il faudra attendre le débrief. De retour à la lumière après 1h30 de dégustation dans le noir, les six convives découvrent ce qu’ils ont mangé et bu. Si la tablée s’est avérée plutôt douée pour reconnaître le contenu des assiettes, pour les vins, c’est une autre paire de manches. Le plaisir de la rencontre et de l’expérience inédite partagée se prolonge autour d’un dernier verre. Tout le monde est ravi et personne ne regrette d’avoir déboursé 128 fr. pour l’accord mets et vins (98 pour le menu sans les vins). «Ça en vaut la peine!», lâche la jeune Céline. Minuit sonne. Chacun rejoint son carrosse. On se salue, à deux doigts de proposer des retrouvailles dans un mois autour du menu de la saison prochaine… En somme, vous pouvez y aller les yeux fermés!