A Genève, des carrefours qui rendent fous...

Plusieurs intersections s’apparentent à un véritable parcours du combattant pour les automobilistes, les piétons, les cyclistes et les transports en commun, au point que dans de nombreux cas, les aménagements semblent pousser à la faute.

  • Sur la place de Neuve, la situation est régulièrement chaotique, malgré la présence d’agents de régulation du trafic.

Aux abords du rond-point de Plainpalais, lorsqu’on arrive depuis le boulevard Helvétique, il ne faut pas attendre longtemps avant de voir se multiplier les infractions. En 10 minutes, quatre voitures s’engagent sans sourciller dans la voie de bus, deux d’entre elles grilleront le feu rouge, plusieurs piétons traversent au beau milieu des véhicules, une quinzaine de cyclistes ne posent même pas le pied à terre malgré la signalisation. Sans parler des deux-roues motorisés, qui se faufilent comme s’ils étaient seuls au monde, en faisant vrombir inutilement leur moteur. Une scène du quotidien, le tout saupoudré de klaxons, de grands gestes de mains, et même d’insultes.
A deux pas de là, sur le carrefour pont Hans-Wilsdorf – quai Ernest-Ansermet, la situation est là aussi chaotique. Sur cette intersection, des véhicules arrivent des quatre côtés, ce qui contraint les usagers à redoubler de vigilance. Et pourtant, les comportements problématiques sont ici monnaie courante, essentiellement des stops non respectés. En une quinzaine de minutes, près de quinze véhicules ont «coulé» le stop, ce qui provoque la colère des piétons et des vélos, qui ne manquent pas de le faire savoir. Des vélos eux-mêmes peu respectueux des piétons et des automobilistes, qui n’hésitent pas à s’engager sans avoir la priorité.
Et que dire de la place de Neuve? Sur cette sorte de gigantesque rond-point aux contours mal définis, 
les automobilistes ont de quoi attraper un véritable torticolis tant il faut faire pivoter sa tête pour éviter 
les cyclistes, les piétons et même 
les trams. Impatients, quantité de conducteurs font fi du marquage au sol. Pour gagner quelques instants, ils franchissent les stops ou dépassent la file de voitures devant eux pour se rabattre au dernier moment, en bloquant ainsi tout le monde.
Comportements problématiques
S’ils sont loin d’être des cas isolés, ces trois carrefours sont emblématiques de la difficulté qu’ont les autorités à aménager correctement des intersections situées sur des axes pourtant majeurs. Interrogé, le Département de la santé et des mobilités (DSM) reconnaît de nombreuses difficultés propres à ces carrefours. «Dès lors qu’un carrefour intègre de multiples flux (piétons, transports individuels motorisés, transports collectifs) avec un grand nombre d’usagers, il est nécessaire de redoubler de vigilance», admet Sébastien Deshusses, responsable de la communication.
Sont-ils pour autant plus accidentogènes que les autres? En trois ans, on dénote une dizaine d’accidents au carrefour du pont Wilsdorf et une douzaine à la place de Neuve tout comme au rond-point de Plainpalais. «Il n’y en a pas plus qu’à d’autres endroits dans le canton. Plus que l’aménagement, la signalisation est rarement en cause. C’est plutôt le comportement des usagers», estime le Département.
Prévention et contrôles
Du côté de la police, on reconnaît que ces carrefours, comme de nombreux autres dans le canton, sont des vrais «points d’attention». Notamment en ce qui concerne celui situé devant le pont Wilsdorf, et sur lequel il y a plusieurs sens de circulation. Pourtant, l’endroit ne serait pas plus dangereux qu’ailleurs. «Si cette situation apporte effectivement une certaine complexité, elle amène aussi une plus grande attention», informe le major Patrick Puhl, à la tête de la police routière. Ce qui ne signifie pas pour autant que les agents restent les bras croisés. La police mène près de 900 opérations par année, qu’il s’agisse de prévention, d’informations ou de contrôles. Les carrefours ne sont bien entendu pas épargnés.
Les contrôles sont également 
souhaités par le Touring Club Suisse (TCS), qui insiste sur le caractère dangereux des infractions constatées. «Une campagne de sensibilisation afin de faire prendre conscience aux utilisateurs du caractère 
non bénin de leurs incivilités couplée, si besoin, d’actions «coup de poing» de répression sont généralement les plus efficaces contre 
les incivilités», détaille Guillaume Sauvin, ingénieur mobilité du TCS Genève.
D’autant que l’association ne se dit pas en faveur de nouveaux feux de signalisation, par exemple devant le pont Wilsdorf. «Cela risquerait fortement de déplacer le problème aux autres carrefours du quartier. Selon nous, le véritable problème sur ce site est la forte charge de trafic de transit qui devrait normalement demeurer sur le réseau primaire. Le projet de réaménagement de l’avenue du Mail aidera, entre autres, à mieux canaliser ce trafic indésirable», gage le TCS.
Place de la voiture
Selon l’Association transports et environnement (ATE), qui défend la mobilité douce,  «il faut diminuer les zones de contacts entre les différents modes de transport pour en faire des sites propres, et que ces sites soient les plus continus possible», explique Caroline Marti, présidente de l’ATE Genève. Pour la sécurité des piétons, l’ATE préconise également d’allonger la durée des feux verts, de quoi décourager à traverser au rouge et fluidifier les intersections.
Plus largement, l’association se dit en faveur d’un recul de la voiture en ville. En plus de la suppression de places de stationnement, l’ATE préconise un abaissement généralisé de la vitesse. «Cela permet de réduire les accidents et les mauvais comportements, mais également de fluidifier le trafic, notamment sur ces carrefours», assure Caroline Marti.