Genève est à droite, et pour cinq ans!

éLECTIONS • Gouvernement de gauche ou de droite? Nous le saurons le 30 avril. Mais ce sera d’une importance mineure. Pendant cinq ans, c’est un Grand Conseil clairement à droite qui aura le dernier mot.

  • Jamais une élection genevoise n’a été aussi marquée par l’antagonisme des binomes. MP

    Jamais une élection genevoise n’a été aussi marquée par l’antagonisme des binomes. MP

Les petits malins, ceux qui ont tout mieux compris, ceux qui nous prennent de haut en nous annonçant la disparition du clivage droite-gauche, en sont pour leurs frais. N’en déplaise à ces éternels rénovateurs, qui prétendent «faire de la politique autrement», jamais une élection genevoise n’a été aussi marquée par l’antagonisme du binôme entre la gauche et la droite.

Pour ma part, n’ayant jamais cru une seule seconde à leurs fadaises, la vieille grille de lecture issue de la Révolution française, calquée sur la géographie des sièges dans la Convention, qui a traversé plus de deux siècles et structuré la lutte des classes (lisez Marx, tout de même!), demeure la plus éclairante.

La droite, ça existe. La gauche, ça existe. Le centre, c’est un marais improbable, qui se rallie au pouvoir le plus fort, en fonction du moment. Bref, un non-lieu politique. J’ai, pour ces comportements-là, une considération relativement limitée. J’aime le courage, la clarté, à droite celle d’un Cyril Aellen, à gauche celle d’un Jean Ziegler.

Plus que jamais, je continuerai à parler de la droite et de la gauche. Regardez ce deuxième tour, cette élection du 30 avril: deux alliances, l’une face à l’autre. Deux blocs. Deux visions du monde. Chacune est parfaitement respectable, j’ai même une certaine admiration pour les deux candidats socialistes, la clarté cristalline de Carole-Anne Kast, l’humanisme patient de Thierry Apothéloz. Je ne suis pas de leur camp, mais je reconnais leurs qualités. L’un de ces blocs l’emportera. Et nul doute que viendra se frayer, dans le septuor, un malléable, un ductile, qui jouira pendant cinq ans de faire pencher les majorités au sein de l’exécutif dans un sens ou dans l’autre. Mais enfin, l’une des deux alliances gagnera et donnera sa couleur au gouvernement.

Le vrai pouvoir

Sa couleur, sans plus. Car à Genève, depuis le 2 avril, les jeux sont faits. Le vrai pouvoir, dans notre système démocratique, c’est le parlement (sans compter, bien sûr, les ultimes arbitrages du peuple). C’est le Grand Conseil qui fait les lois, c’est lui qui décide. Or, le législatif sorti des urnes le 2 avril a subi une poussée du curseur, sans appel, vers la droite. Pas la droite libérale, libre-échangiste. Non, l’autre droite! Patriote, protectionniste, populaire, joyeuse, proche des gens, soucieuse du pouvoir d’achat, des PME, des classes moyennes. La droite du travail. La droite de tous ces gens qu’on croise dans la rue, avec les problèmes de tous les jours. La droite qui veut la frontière et la préférence aux nôtres plutôt qu’aux autres.

Voilà donc un parlement plus clair. Il s’agira, pour le Conseil d’Etat élu le 30 avril, qu’il soit de gauche ou de droite, de composer avec cette députation-là. En respectant la volonté populaire, qui, sans ambiguïté, a déplacé le curseur vers les valeurs de cette « autre droite », qui est tout sauf celle du libre-échange sanctifié, et des boursicoteurs. Oui, pour cinq ans, les jeux sont faits. L’élection amirale est derrière nous. C’était celle du 2 avril. Lire aussi en page 5.