Impôts sur les chiens: des élus genevois et vaudois montrent les crocs

FISCALITÉ • Contestée de longue date, la taxe imposée aux propriétaires de chiens passera-t-elle à la trappe? C’est le souhait de plusieurs politiciens vaudois et genevois bien décidés à monter au front pour abolir ou réformer cet impôt pouvant avoisiner les 200 francs annuels. Explications.

  • Les chiens sont les seuls animaux de compagnie qui rapportent des recettes fiscales.

Selon les derniers chiffres d’octobre 2023 compilés par l’entreprise privée Identitas, on dénombre pas moins de 59 918 chiens dans le Canton de Vaud et 33 725 dans celui de Genève. Autant de toutous qui représentent une manne importante sur le plan fiscal. En effet, les canidés sont imposés au niveau cantonal et souvent aussi communal. Il existe toutefois deux exceptions, les chiens guides d'aveugles et ceux destinés au sauvetage.
Des revenus pour la collectivité
Dans les communes vaudoises et genevoises, les habitants ne sont cependant pas tous logés à la même enseigne: 23 administrations communales genevoises ont choisi de ne pas imposer les détenteurs de chiens, d'autres prélèvent des centimes additionnels de 50% ou de 100%. Côté vaudois, rares sont les propriétaires de chiens qui échappent à la double imposition. Seule exception, la commune de Chigny, située dans le district de Morges, qui ne prélève plus d'impôt sur les chiens depuis 2009. Quels sont les revenus engendrés au niveau cantonal et de quelle manière sont-ils utilisés? L’Etat de Vaud a perçu 4 564 000 francs au titre de l’impôt sur les chiens pour l’année 2022. «Comme toutes les recettes fiscales et plus généralement l’ensemble des revenus de l’Etat, le produit de l’impôt sur les chiens est non affecté. Il participe au "pot commun" servant effectivement à financer l’ensemble des dépenses de l’Etat», indique Olivier Dessimoz, délégué à la communication auprès du Département des finances et de l'agriculture (DFA). Pour le Canton de Genève, l'impôt se monte à 1 357 461 francs aux comptes 2022. «L'impôt sur les chiens est inclus dans les recettes fiscales globales de l'Etat, lesquelles servent à financer l'ensemble des prestations à la population (aide sociale, formation, soins, sécurité, etc.). Le Canton respecte le principe de non-affectation des impôts figurant dans la loi. En d'autres termes, notre législation ne permet pas de choisir si telle ou telle contribution spécifique sera affectée plutôt à l'une ou à l'autre des prestations délivrées par les institutions. Les communes sont en principe tenues aux mêmes règles», rappelle Dejan Nikolic, secrétaire général adjoint chargé de communication auprès du Département des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures (DF).
Les opposants restent mobilisés
Quid de ceux qui veulent en finir avec cet impôt? «Je considère que cet impôt progressif est injuste et qu'il représente une double imposition pour les propriétaires de chiens. Nous repartirons au combat lorsque nous aurons conclu plus d'alliances avec les partis politiques. Pour le moment, la priorité concerne une pétition que nous avons lancée en mars dernier et qui vise à supprimer du règlement cantonal l'interdiction des pelouses aux chiens. En effet, nous considérons que ce règlement enfreint la loi fédérale sur la protection des animaux», affirme Manuel Alonso Unica, président du Mouvement de défense des propriétaires de chiens de Genève (MDPCG). «Mon projet de loi, déposé la semaine passée au Parlement, reprend les grandes lignes du texte que j'avais rédigé en 2012 et en 2014. Et qui demande purement et simplement l’abrogation de cette taxe», déclare  Thierry Cerutti, député genevois du MCG.
Du côté de la gauche vaudoise, les avis sur la question sont nuancés. «Comme toute taxe par tête, l'impôt sur les chiens souffre d'une profonde injustice puisqu'il ne prend pas en compte la capacité financière des détenteurs de chiens. On peut imaginer, par exemple, que pour une personne avec une petite retraite, cet impôt pèse lourdement dans les finances», souligne Jessica Jaccoud, députée socialiste nouvellement élue au Conseil national. Pour la représentante vaudoise de la chambre basse, la taxe peut se justifier du fait qu'elle permet aux communes de financer des infrastructures dédiées et de pourvoir notamment à l'entretien de la voie publique et à l'aménagement des espaces. «Abolir l'impôt sur la forme, c'est-à-dire par tête, serait envisageable, pour autant qu'on préserve les recettes fiscales», conclut-t-elle.
Renforcer les droits animaliers
Le député vert vaudois David Raedler ne conteste pas la pertinence de l’impôt canin tant qu’il couvre les frais d’entretien des espaces collectifs. Il n’empêche, l’élu s’interroge sur l'usage de cette taxe dans le but de limiter uniquement la population des canidés. Il considère en effet qu'il peut être négatif d'avoir un nombre trop important de chiens, en particulier pour les éventuels risques liés à des attaques. «On devrait suivre une réflexion plus large sur la place des animaux domestiques et un éventuel intérêt public à restreindre leur nombre, sans se concentrer sur les chiens exclusivement», précise-t-il.
Enfin, d'autres voix préconisent une alternative à l'impôt sur les chiens. «Je propose de remplacer l'impôt par un renforcement des mécanismes pour l’adoption d’un chien. Comme pour le permis de conduire, il faudrait passer un examen théorique, puis se soumettre à un contrôle annuel auprès de la commune de résidence pour démontrer, dans la pratique, la bonne éducation du chien et le comportement adéquat du maître. Ces démarches seraient facturées au maître de l’animal de compagnie et seraient plus efficaces, dans la gestion des droits animaliers dans la vie sociale, que le régime actuel d'impôt automatique», suggère Mehmet, propriétaire d'un chien sur l’arc lémanique.

 

Genève avait refusé d'abolir l'impôt

Le 9 février 2020, la population genevoise s'était prononcée sur l'abolition de l'impôt sur les chiens à l'occasion d'un référendum. Le résultat était sans appel, 67,26% des votants avaient décidé de maintenir cette contribution annuelle des propriétaires de chiens. Le comité référendaire, composé de membres du PS, du PDC, des Verts et du PLR, avait convaincu une majorité des votants en arguant que cet impôt était nécessaire pour couvrir les frais liés au nettoyage des déjections et à la mise à disposition de caninettes et de sacs. Pour les partisans de l'abolition, qui venaient essentiellement de l'UDC, du MCG, du PLR et d'Ensemble à Gauche, cet impôt était injuste et discriminatoire.