La colère gronde contre la fermeture de la douane de la Renfile

L’auberge de la Ferme, l’écurie et le syndicat agricole s’opposent au projet des autorités de bloquer de nuit le passage franco-genevois à la Renfile, entre Jussy et Saint-Cergues (Haute-Savoie).

  • Les trois générations de gérantes: Olga Burgat, Stéphanie et Michèle, accompagnées du chef André Fettet. DR

«S’ils ferment la frontière, c’est la mort de l’auberge!»

André Fettet, le chef de l’auberge de la Ferme

A l’auberge de la Ferme, André Fettet, alias Dédé, voit rouge! Il craint que ses clients ne puissent bientôt plus venir déguster ses fameux cordons-bleus... En cause: le projet des autorités de fermer le passage de la frontière entre la Renfile, à Jussy, et Saint-Cergues (France voisine) durant la nuit. Problème: pour atteindre l’auberge, même les clients venant de Suisse doivent franchir ladite frontière avant de revenir sur territoire suisse.

«Les clients ne vont pas faire un détour de dix kilomètres pour venir ici! s’emporte Dédé. On est déjà loin... S’ils ferment la frontière, c’est la mort de l’auberge!»

Une crainte que partage sa compagne, Michèle Burgat. En apprenant que le Canton et les élus français se sont mis d’accord pour un essai de fermeture de 3 mois, de 22h à 5h du matin, à la Renfile (comme révélé sur ghi.ch lundi 4 octobre), la gérante de l’auberge bouillonne. Elle a rédigé dans la foulée un courrier à l’attention de la maire de Jussy et du conseiller d’Etat chargé des Infrastructures, Serge Dal Busco. «A part la fermeture de notre établissement, que proposez-vous?» leur lance-t-elle, dépitée...

Il faut dire que cela fait déjà plusieurs mois que le couple se bat contre le projet de fermeture nocturne de la douane mené jusqu’ici par la municipalité de Jussy. «Ils parlaient alors de fermer le passage de minuit à 7h du matin. Et on craignait qu’une fois l’autorisation accordée, les horaires soient élargis. Là, c’est le pompom!»

«Limiter les nuisances sonores»

Lors du précédent épisode de cette saga, au printemps 2021, l’Office cantonal des transports a accordé à la municipalité l’autorisation de procéder à une période d’essai d’un an. «A partir de 19h45, le passage de la douane serait interdit sauf pour les ayants droit, soit les habitants côté Suisse et les clients de l’auberge, précise le secrétaire général de Jussy, Christophe Mage. Puis, de minuit à 7h, la fermeture serait physique. Avec une barrière par exemple.»

Mais, suite à la décision franco-genevoise, les horaires ont changé (22h à 5h) tout comme la durée de l’essai (trois mois). L’objectif, lui, reste le même: «Limiter le trafic ainsi que les nuisances sonores au sein de la commune.»

Si elle dit entendre l’argument des nuisances dues au trafic pendulaire, Michèle Burgat souligne: «Le jour où le Léman Express fonctionnera correctement cela changera la donne.» Précisant que la maire habite justement le long de cet axe transfrontalier, Dédé lâche, non sans amertume: «Tout ça, c’est pour leur petit confort!» Interrogé sur ce point, Christophe Mage affirme que l’exécutif de Jussy n’agit pas par intérêt personnel.

Report sur la douane de Monniaz

L’auberge de la Ferme n’est pas la seule à s’être opposée au projet de la municipalité. L’Ecurie de la Renfile et le président du syndicat agricole de Jussy (lire encadré) ont fait de même. Une fronde qui devrait redoubler d’intensité suite à la décision cantonale. D’autant que le Département des infrastructures parle de fin novembre, début décembre pour entamer l’essai, précisant qu’«une séance de calage est cependant prévue prochainement avec les communes».

De son côté, la municipalité avait, pour le moment, mis son projet en stand-by, «le temps d’étudier des solutions notamment pour permettre aux clients de l’auberge et aux usagers du manège d’emprunter le chemin de la Renfile», indique le secrétaire général de Jussy.

Pas de quoi convaincre Michèle Burgat: «Ce chemin privé, très étroit et non goudronné, est utilisé par les cavaliers», rétorque-t-elle avant d’ajouter: «Il a été créé par mon père lorsqu’en 1986 les Français avaient bloqué la douane. Il avait déjà essayé de se défendre!» En digne fille de son père, Michèle Burgat est bien décidée, elle aussi, à ne pas se laisser faire. Un combat qu’elle mène aussi pour sa fille, Stéphanie qui doit reprendre la gestion de l’auberge en janvier 2022.

Inquiétude des agriculteurs

Quid par ailleurs du report de ce trafic sur la douane de Monniaz, autre hameau de Jussy, sachant que celle-ci supporte d’ores et déjà 60% des flux (contre 40% via la Renfile)? C’est notamment ce qui inquiète Yves Luthi, le président du syndicat agricole de Jussy. «A titre personnel, habitant sur un axe qui donne sur Monniaz, je ne veux pas que tout le trafic emprunte cette douane!» Pour faire entendre sa voix, il a déposé un recours devant le tribunal administratif contre le projet municipal. «Plutôt deux en réalité: un en mon nom et l’autre au nom du syndicat. Car, les agriculteurs du secteur seraient impactés par la fermeture physique et ne pourraient pas rejoindre leurs terrains.»