On ne prête qu'aux riches, dit-on. Depuis dix ans, la microfinance prouve le contraire. Prêter de l'argent aux pauvres est devenu profitable même en temps de crise économique. Témoignage de son succès croissant, cette industrie attire des pointures de la finance à l'image de Peter Fanconi, directeur de la Banque privée Vontobel, à Zurich jusqu'à l'an dernier. Depuis février 2013, le Zurichois dirige la société genevoise BlueOrchard, géant mondial de la microfinance avec des bureaux dans sept pays et dont le quartier général, jouxte le siège de l'Armée du Salut, derrière la Gare Cornavin.
Plus de 100 millionsde microentrepreneurs
Comment expliquer ce grand écart qui permet à un banquier privé zurichois de passer subitement de la gestion de fortune à l'aide au développement? «J'ai investi ma fortune personnelle dans BlueOrchard, parce que c'est un bijou», explique-t-il. Première entreprise commerciale de microfinance, fondée en 2001, elle détient aujourd'hui 10% environ de ce marché mondial estimé à 8 milliards de dollars. «Cette somme, qui peut paraître modeste, a permis à plus de 100 millions d'individus d'améliorer leurs conditions de vie en devenant microentrepreneurs», signale le Zurichois, qui, pour la première fois de sa carrière dans la banque, ne porte pas de cravate.Avec ses nouvelles directives sur la gestion de fortune, la Suisse, déjà réputée pour son expertise en matière d'investissement socialement responsable, apporte son soutien au microcrédit, qui est un instrument très efficace de lutte contre la pauvreté. «C'est une chose dont les Suisses peuvent être fiers, estime Peter Fanconi. Car la Suisse joue un rôle clé dans le développement de la microfinance; Genève, en particulier, est le berceau de l'industrie du microcrédit.»
Banque de données mondiale
Au tournant du siècle, la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), crée à Genève le MIX Market, une banque de données mondiale de la microfinance. Seuls les 10% les plus fiables, parmi 25'000 instituts de microcrédit recensés dans le monde, figurent dans ce répertoire. C'est un outil précieux pour les sociétés de microfinance. BlueOrchard ne travaille qu'avec les 250 meilleurs parmi les 2500 entreprises retenues par l'agence onusienne. Elle peut investir dans une cinquantaine de pays avec une équipe d'une quarantaine de collaborateurs seulement, grâce aux partenariats avec ces instituts locaux qui connaissent bien leur marché.Les organisations internationales constituent aussi une source de financement pour BlueOrchard et ses concurrents toujours plus nombreux, ce qui témoigne du succès de ce secteur. «Le mois dernier une agence internationale nous a proposé de répondre à un appel d'offre, ce qu'ils appellent, faire une proposition responsable», explique Peter Fanconi.
«Genève est le berceau de l'industrie du microcrédit»
Peter Fanconi, directeur de BlueOrchard