Frontaliers mobilisés pour défendre leur assurance

MANIFESTATION • Les frontaliers ont battu le pavé, le 20 octobre,  pour défendre la liberté de s’assurer où ils veulent. Un système condamné par le Gouvernement français.

  • quelque 2000 personnes ont bravé la pluie, dimanche matin, pour protester contre la suppression du droit option.

    quelque 2000 personnes ont bravé la pluie, dimanche matin, pour protester contre la suppression du droit option.

La pluie n’a pas découragé les frontaliers. Ils étaient quelque 2000, dimanche 20 octobre, à descendre dans les rues d’Annemasse (mais aussi à Pontarlier et Saint-Louis), à l’appel de collectifs de frontaliers, pour protester contre la suppression du droit option, cette possibilité qui leur est offerte de choisir librement leur assurance (LaMal en Suisse, privée ou Sécurité sociale en France). C’est cette dernière, via sa Couverture maladie universelle (CMU), qui va devenir la règle au 1er juin 2014.

Enterré donc le droit d’option, ce choix qui n’en était pas tellement un puisqu’à une immense majorité (entre 85% et 95%, selon les sources), les frontaliers choisissaient le privé. Du fait de cette suppression, leurs coûts d’assurance vont prendre l’ascenseur: alors qu’ils s’élèvent, en moyenne, à 3% du salaire brut du salarié travaillant en Suisse, ils devraient grimper à 6% la première année, puis à 8% du revenu fiscal de référence à compter du 1er juin 2015… et cela pour une couverture de base, alors que l’assurance privée actuelle couvrait aussi bien les frais de sécurité sociale que de mutuelle.

Prêts à payer deux fois plus?
Bref, une hausse qui pose problème, comme n’hésite pas à interroger Patrick Vukicevic, correspondant du CDIA (Centre de documentation et d’information des assurances), en France: «Est-ce que les frontaliers sont prêts à payer deux fois plus?» La réponse est «non» et non dénuée d’«effets pervers»: «les nouveaux frontaliers n’iront pas à la CMU mais à la LaMal, parce qu’en France, on change de fiscalité tous les trois mois, alors qu’en Suisse, la situation est claire.» Selon l’assureur haut-savoyard, les nouveaux choisiraient donc l’assurance suisse, tout comme les hauts revenus, pour ces mêmes raisons de stabilité. Quant aux autres, pour qui la hausse des coûts d’assurance santé pèsera lourdement, Patrick Vukicevic estime qu’ils ne prendront pas de complémentaire, surtout les plus jeunes. Une précarisation médicale qui semble ne pas avoir été prise en compte par le Gouvernement.

Mais tout ça, pour quoi (ou pour combien), finalement? Près de 120 millions de francs suisses en plus dans les caisses de l’Etat français la première année, 180 millions les suivantes. Autant dire une goutte d’eau dans l’abyssal déficit public hexagonal. En revanche, cette décision va rapidement soulever des questions concrètes: qu’en sera-t-il de la continuité des soins des personnes actuellement traitées en Suisse qui devront changer de régime dans sept mois? Et, plus généralement, de la mise en place de la réforme? Pour quelles conséquences économiques? Sur ces deux derniers points, l’humeur de P. Vukicevic oscille entre le sarcasme («Qui va s’occuper des dizaines de milliers de frontaliers que le Gouvernement va envoyer à la CMU? Il ne va pas embaucher nos collaborateurs!») et un pessimisme noir lorsqu’il évoque l’avenir de la profession: «On peut dire qu’un quart ou un tiers de notre personnel risque d’être licencié…»

«Est-ce que les frontaliers sont prêts à payer deux fois plus? La réponse est non!»
Patrick Vukicevic, correspondant du CDIA