Le DIP socialiste: pour l’éternité?

ENSEIGNEMENT • L’école est une chose merveilleuse, mais à Genève, la créativité étouffe sous le poids écrasant de la structure. L’école ne doit pas devenir une citadelle de la peur. Elle doit rester libre, debout, inventive.

  • Depuis 1961, le DIP a été aux mains des socialistes pendant 42 ans. Anne Emery-Torracinta  est à sa tête depuis huit ans. STéPHANE CHOLLET

    Depuis 1961, le DIP a été aux mains des socialistes pendant 42 ans. Anne Emery-Torracinta est à sa tête depuis huit ans. STéPHANE CHOLLET

Nous avons, à Genève, cinq partis gouvernementaux. Nous en avons cinq, en moyenne, depuis 1961.

Le DIP a été, depuis 1961, aux mains des socialistes pendant 42 ans: 24 ans sous André Chavanne (1961-1985), dix ans sous Charles Beer (2003-2013), huit ans sous Anne Emery-Torracinta.

Dans deux ans, à la fin de la législature, le DIP aura été socialiste pendant 44 ans, sur 62.

44 ans sur 62 ans, cela signifie que le DIP est socialiste pendant 71% du temps, de 1961 à nos jours. L’année de la construction du Mur de Berlin. Alors que nous avons à Genève, depuis cette période, où l’Algérie était encore française, une moyenne de cinq partis gouvernementaux.

Doxa de la gauche morale

Pendant toutes ces années, de bonnes choses ont été accomplies, et puis d’autres, beaucoup moins bonnes. Dans cette seconde catégorie, il y a le poids croissant de l’Appareil, les affinités électives dans le choix des personnes, une passion démesurée pour la structure. Un pouvoir exorbitant donné aux pédagogues, aux théoriciens. L’idée excessive de faire de l’enseignement une «science», au détriment de toute la part d’instinct, de charisme personnel, qui fait la sève, le crédit, la grandeur du magistère. La confiance aveugle accordée à un institut de recherches interne, qui nous balance des chiffres comme un grimoire nous brandit des formules. Plus récemment, la peur de l’opinion publique. La crainte pour l’image. La loi du silence, dès qu’une affaire éclate. Une trouille verte face à d’éventuelles actions juridiques. Un conformisme hallucinant aux modes de pensée du moment: climatisme, féminisme. Une génuflexion permanente devant tout ce qui ressemble à une doxa de la gauche morale, bien-pensante, celle qui édicte le Bien et le Mal, règle l’orthodoxie, instruit le procès des hérétiques.

Citadelle de la peur

Je n’ai donné ici que quelques exemples. Il y en a tant d’autres. L’école est pourtant une invention merveilleuse. La transmission du savoir, entre le maître et l’élève, est un parcours initiatique bouleversant, fondateur. Ceux qui règnent sur le DIP sont donc investis du pouvoir sur un univers fascinant, où doivent régner la joie d’enseigner, celle d’apprendre, la liberté des âmes, la créativité, l’invention, l’innovation. La prise de risque, aussi, d’une parole solitaire face à la puissance d’une majorité. L’école doit être tout, sauf une citadelle de la peur. Hélas, trop souvent, elle l’est devenue. Non à cause des profs! Non à cause des élèves! Non à cause des parents! Mais à cause de la structure! Sa pesanteur. Son immobilisme. Son conformisme. Sa servilité face aux modes. Son usage de la peur, comme moyen de pouvoir. Sa langue de bois, face au constat du moindre dysfonctionnement.

Régner par l’exemple

44 ans sur 62, soit 71% du temps, aux mains du même parti depuis 1961: il y a là l’une des clefs d’explication de cet esprit de forteresse, où seule règne la stratégie défensive. L’attaque, la surprise, le mouvement, tout cela dort au fond des innombrables tiroirs de la bureaucratie au pouvoir. On ne règne pas par la peur. Ni par la contrainte. Ni par l’immobilisme. On règne par l’exemple. Par le charisme, Par l’enthousiasme. Désolé, mais aujourd’hui, on en est très loin.