Le casier judiciaire des entreprises fâche les patrons genevois

PROJET DE LOI • Un projet de loi fédéral vise à ficher les entreprises au même titre qu'un individu.

  • Tollé chez les patrons genevois, qui voient d'un mauvais œil la venue d'un casier pour les entreprises.

    Tollé chez les patrons genevois, qui voient d'un mauvais œil la venue d'un casier pour les entreprises.

Le Conseil fédéral envisage de créer un casier judiciaire pour les… entreprises! Une grande première puisque les sociétés seraient ainsi fichées au même titre qu'un individu.

Inégalités

Pour la Fédération des entreprises romandes Genève (FER), cette révolution peut prétériter l'économie et porter préjudice aux petites sociétés: «Par exemple, une grande firme inscrite au casier judiciaire, pourrait demander sa radiation du registre du commerce et pourrait aussitôt ouvrir une nouvelle entreprise sous un autre nom, détaille Robert Angelozzi, juriste à la FER Genève. La nouvelle société repartirait ainsi sans aucun antécédent judiciaire. Un petit entrepreneur en revanche, qui n'aura pas les moyens de le faire, risquera d'avoir une inscription au casier judiciaire qui le poursuivra durant 20 ans.» Il relève encore que si la société fichée a entre-temps été vendue, l'inscription perdure alors que le nouvel acquéreur n'a commis aucun délit: «Le cas est identique lors de faillites ou de fusions. C'est économiquement illogique, surtout en ces temps de crise, car ce fichage rend la reprise de société peu réaliste.»

Entreprise condamnée

De son côté, Me Robert Assaël, président de la commission de droit pénal, tient à préciser: «Une entreprise peut être condamnée pénalement, uniquement si l'auteur de l'infraction commise ne peut être identifié. Par exemple, si un coursier commet une infraction routière grave, c'est la société qui trinquera. Actuellement, par manque d'organisation, elle échappe à la sanction et ne paie que l'amende.»

Criminalité économique

Pour le législateur, la création d'un tel casier, vise avant tout à combattre équitablement la criminalité économique: «Les tribunaux doivent pouvoir tenir compte des récidives lorsqu'ils fixent le montant des peines», rétorque Patrik Gruber, de l'Office fédéral de la justice. Quelles sont les infractions visées? «Des cas de blanchiment, terrorisme, corruption, concurrence déloyale ou certains cas de contraventions au-dessus de 50'000 francs.» Les juristes rappellent que ce casier judiciaire pour les entreprises aurait, par exemple, fiché, la BCGe suite au procès de la débâcle en 2012.

Entreprise en prison?

Et comment mettre en pratique cette loi du moment qu'une entreprise ne peut pas aller en prison? «Seules les amendes sont prévues comme peine pour les entreprises», poursuit Patrik Gruber. En espèces sonnantes et trébuchantes? «Oui, selon la gravité de l'infraction, notamment en matière d'organisation criminelle ou de blanchiment, les entreprises peuvent alors être sanctionnées indépendamment de la punissabilité des personnes physiques, conclut Me Robert Assaël. L'amende peut aller jusqu'à 5 millions de francs. Ce qui n'est pas rien!»