L’enfer vécu par un clandestin aux Pâquis

PRÉCARITÉ • Dans le quartier des Pâquis, nous avons rencontré un Sénégalais clandestin. A en croire son témoignage, «Genève n’est pas l’Eldorado tant espéré».

  • Pour le jeune clandestin, il faut que les Africains prennent leur destin en main.

    Pour le jeune clandestin, il faut que les Africains prennent leur destin en main.

Emile*, la trentaine bien entamée, est originaire du Sénégal. Il a vécu toute son enfance dans un quartier populaire de Dakar au nom évocateur de «Gueule Tapée». Sa présence sur le sol genevois date du début 2013. «Chez nous, beaucoup de jeunes rêvent de partir en Europe. Dès que l’occasion se présente, peu refusent le voyage», confie celui qui est parti un jour de mai 2012 en pensant accéder à l’Eldorado occidental.

De Dakar à Genève

Commence alors un long périple en bus à travers le Mali, le Niger et la Libye. Très vite, Emile trouve une embarcation de fortune, direction l’île italienne de Lampedusa, située à environ 350 kilomètres. La traversée n’est pas agréable, mais il estime avoir eu beaucoup de chance. Surtout quand il compare son sort à celui tragique des naufragés qui ont transformé la Méditerranée en cimetière.

Pris en charge à son arrivée par les garde-côtes italiens, Emile est emmené dans le camp de rétention saturé de la petite île d’une superficie de 20,2 km2. Très rapidement, il est transféré sur le continent dans le centre d’accueil de Manduria, dans les Pouilles. Après un long séjour dans ce camp, il doit choisir entre déposer une demande d’asile en Italie ou prendre le train en direction du nord de l’Europe. «J’ai choisi la Suisse et Genève en particulier car on y parle le français. J’ai entendu dire que c’était un pays prospère», explique Emile.

Situation précaire

A son arrivée, Emile ne dépose pas de demande d’asile auprès des autorités genevoises. Comme bon nombre de ses compatriotes, il redoute une décision négative.

Depuis, comment parvient-il à assurer sa subsistance? «Je loge chez un ami avec plusieurs clandestins. C’est un petit appartement. Et je travaille sur appel dans un restaurant du quartier des Pâquis. Les conditions de vie sont très difficiles, je pensais qu’il y avait du travail en Europe mais je parviens tout juste à survivre et je ne peux même pas envoyer de l’argent à ma famille qui a placé d’énormes espoirs en moi. Je déconseille à mes compatriotes de tenter le voyage, le jeu n’en vaut vraiment pas la chandelle», poursuit-il. Avant de confier: «J’ai des problèmes de santé, notamment des problèmes rénaux, mais je ne suis jamais allé à l’hôpital par peur d’être découvert.»

Retour au pays

Désormais, Emile songe de plus en plus à rentrer au pays. Sa famille lui manque et il n’en peut plus de devoir raser les murs et d’avoir des montées d’adrénaline à chaque fois qu’il croise une patrouille de police. «Il faut que les Africains prennent leur destin en main et cessent de croire à l’Eldorado européen, il y a tant à bâtir en Afrique», conclut le jeune homme avant de disparaître dans la foule anonyme des Pâquis en rêvant à des jours meilleurs.

Population clandestine à Genève

NB • Les clandestins sont une population qu’il est, par définition, difficile de recenser. À ce sujet, il existe une enquête mandatée en 2005 par l’Office fédéral des migrations. Celle-ci estime que 8000 à 12’000 personnes sont sans-papiers dans le canton de Genève. Leur tendance semble être à la hausse et cette population est composée en majorité de femmes provenant d’Amérique latine. Ceci s’explique par la forte demande dans l’économie domestique. Il s’agirait principalement de femmes de ménage et de gardes d’enfants.