«L’ère post-Stauffer commence»

POLITIQUE • Le conseiller d’Etat Mauro Poggia se dresse contre le chaos annoncé au MCG. Sa solution? Revenir aux fondamentaux. Interview.

  • Mauro Poggia, confiant en l’avenir. DR

    Mauro Poggia, confiant en l’avenir. DR

– Considérez-vous la non-élection d’Eric Stauffer à la présidence du MCG comme un putsch?

– Mauro Poggia: Plutôt l’expression d’un signe de rupture. L’ère post-Stauffer commence. Mais ceux qui sont à l’origine de ce changement brutal ont tout à prouver.

– Qui sont-ils?

– Il s’agit de ce qu’on a nommé l’aile gauche du MCG. Décrite comme plus sociale et consensuelle, elle devra rapidement démontrer son attachement aux fondamentaux qui ont conduit le parti au succès.

– Quels sont ces fondamentaux?

– Rester toujours un parti d’opposition. Celui qui ose dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Dénoncer tout dysfonctionnement des institutions genevoises. Y compris, s’il le faut, l’action de son propre magistrat. Dès que le MCG s’autocensure, se tempère, qu’il devient politiquement correct ou que son discours se polisse, il perd sa valeur ajoutée, et donc sa raison d’être.

– Cette raison d’être n’était-elle pas incarnée par Eric Stauffer?

– Certes personne ne l’a fait mieux que lui à ce jour, mais sans rien enlever à son mérite, Eric Stauffer ne représentait pas à lui seul le MCG.

– D’autres noms?

– C’est désormais à la nouvelle direction de réussir le coup de force de mettre en avant des personnalités qui sont restées jusqu’ici dans l’ombre. Cela permettra notamment de vérifier si Eric Stauffer a pris plus de place qu’il n’aurait dû, empêchant malgré lui l’éclosion d’individualités intéressantes.

– Mais le départ d’Eric Stauffer ne conduit-il pas, au pire, à un risque d’implosion ou, au mieux, à durablement affaiblir le MCG?

– Non. Si le MCG sait rester le trublion nécessaire, sans être inutilement blessant et provocateur, il pourra même progresser. Ce n’est que s’il sombre dans le politiquement correct, denrée déjà trop répandue, qu’il ne sera plus politiquement efficace.

– Craignez-vous qu’Eric Stauffer, revanchard, crée un autre parti?

– Non, il est trop occupé et assez intelligent pour ne pas s’engager dans une telle entreprise. De plus, pour créer un nouveau parti, il faut des idées qui ne soient pas déjà portées par d’autres et des moyens financiers importants. Je suis sûr qu’il a mieux à faire.

– Regrettez-vous son départ?

– Oui, et je ne serai pas le seul. Il a animé la vie politique genevoise avec son cœur, sa voix, et parfois ses muscles, durant 11 ans.

– Dans ce cas, ne fallait-il pas lui ménager une sortie honorable?

– Oui, Tout cela aurait pu se faire en douceur. Mais en politique, Eric ne connaît que la rudesse de l’affrontement. Il a été comme un père qui préférait voir son enfant mourant plutôt qu’adopté par d’autres. J’espère qu’avec le temps, il arrivera à oublier les blessures, à ne pas prendre les événements récents comme un désaveu personnel, mais comme un passage nécessaire pour assurer une longévité au MCG. J’espère aussi que sa sortie officielle du Grand Conseil, ce jeudi 12 mai, sera digne et donc mémorable.

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