«Les SIG jouent au poker avec l’argent des Genevois»

SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE • Projets refusés, blocages et pressions économiques font monter la tension entre les SIG et leur filiale Ennova, spécialisée dans l’éolien.

  • «Les SIG souhaitent réduire le développement de parcs éoliens à 10%», selon Ennova. DR

    «Les SIG souhaitent réduire le développement de parcs éoliens à 10%», selon Ennova. DR

Au moment où le nouveau directeur général des Services industriels de Genève (SIG) entre en fonction, les tensions s’accroissent entre la régie publique genevoise et sa filiale Ennova, spécialisée dans l’énergie éolienne. «Les SIG souhaitent réduire l’essor de parcs éoliens à 10% des projets que nous sommes en train de développer en Suisse», s’inquiète Claudio Zanini, président d’Ennova, société détenue à 20% par les SIG. «Impossible dans ces conditions d’attirer de nouveaux investisseurs ou partenaires. Cette stratégie de blocage vise clairement à nous couler économiquement», craint-il. Plus grave, le président relève que les SIG viennent d’intervenir directement auprès de l’organe de révision des comptes d’Ennova. «Ils ont fait pression sur l’estimation de la valeur financière de l’entreprise pour des motifs indéfendables, qui reposent en réalité sur leur volonté de bloquer la société. Ce qui est inacceptable. On ne comprend plus à quoi jouent exactement les SIG, mais on ne se laissera pas faire», prévient Claudio Zanini. Qui conclut: «Si les SIG veulent couper les ponts, on leur a fait une proposition de rachat intéressante au début de cette année».

Pour mémoire, fin février 2014, la société Ennova avait également déclenché une procédure d’arbitrage pour exiger 176 millions de francs des SIG en dommages-intérêts. «Des accusations infondées ont gravement endommagé la réputation d’Ennova», analysait alors dans les pages de la Tribune de Genève Me Nicolas Rouiller, avocat des actionnaires d’Ennova.

Coup de poker dangereux

Même ton accusateur de la part du député MCG Eric Stauffer qui s’était fortement impliqué dans le dossier en 2013. «Les méthodes utilisées par les SIG, dont celles qui consistent à intimider les réviseurs, sont dignes de méthodes de voyous», fulmine l’élu. «Les SIG jouent au poker avec l’argent des Genevois. On comprend bien leur manœuvre, mal emmanchée depuis le départ, qui consiste à mettre à genou Ennova pour la racheter pour une bouchée de pain et effacer du même coup les ardoises et les erreurs du passé des SIG. C’est grave. Si le coup rate, les ronces seront de toute manière pour Pierre Maudet, l’ancien magistrat en charge des SIG. Mais, surtout, cela finira par coûter des centaines de millions de francs aux Genevois.»

Projets prioritaires

Tout autre son de cloche aux SIG. D’abord sur la question des projets qui selon Ennova auraient été refusés à 90%. «Les SIG ont fait une liste des projets prioritaires en fonction de leur faisabilité. En l’état, rien ne permet de dire que certains parcs éoliens ont été retenus et d’autres pas. Nous avons simplement procédé à une priorisation des sites selon leur faisabilité», rétorque Isabelle Dupont-Zamperini, porte-parole des SIG. Qui poursuit: «Les SIG n’ont aucun intérêt à dénigrer l’image de leur partenaire Ennova. Il s’agit au contraire de préserver ce qui peut être fait dans l’éolien suisse mais dans des conditions économiquement, politiquement et techniquement faisables. Si un nouvel investisseur se mettait sur les rangs, notre porte est ouverte. Mais à ce jour aucun ne s’est présenté.»

Les discussions se poursuivent

Et qu’en est-il des accusations de pressions exercées sur l’organe de révision des comptes Ennova, pour l’exercice 2013? «L’administrateur des SIG au conseil d’administration d’Ennova se soucie, et c’est son devoir, de la clôture de l’exercice 2013. Il a fait part de ses inquiétudes au président et au CA d’Ennova. N’ayant pas reçu les réponses attendues, il s’est adressé aux réviseurs aux comptes. Il est légitime pour un administrateur de se soucier de l’avenir financier de l’entreprise.»

Reste à aborder les propositions de divorce à l’amiable. «Depuis janvier, les deux partenaires sont en discussion. Des propositions de part et d’autres ont été formulées. Nous ne prononçons pas de chiffres. Mais nous avons en main plusieurs expertises qui se corroborent pour estimer la valeur de la Société Ennova. Les discussions se poursuivent.»

«Continuer à investir dans l’éolien»

GiM • «Je souhaite le règlement de cette affaire et que, malgré les soubresauts avec la société Ennova, les Services Industriels de Genève (SIG) maintiennent leurs investissements dans l’éolien et les énergies renouvelables comme le demande la nouvelle Constitution», précise de son côté Antonio Hodgers, conseiller d’Etat en charge du Département de l’aménagement, du logement et de l’énergie. Le ministre de tutelle des SIG ajoute: «Les 46 millions de francs investis dans la société Ennova par les SIG font partie du capital risque. Il sont déjà passés par le compte pertes et profits, sans que les consommateurs, ni les contribuables, ne soient touchés».

Pour mémoire, les SIG ont investi 13 millions de francs dans le capital d’Ennova et lui ont prêté 33 millions pour faire avancer les dossiers. Or, certains élus pensent que la multitude de projets lancés était trop ambitieuse et n’apportait, jusqu’ici, pas grand-chose de concret.