«Ma fille n’est pas loin, elle est à côté de moi, je lui parle»

AFFAIRE SEMHAR • La maman de la fillette de 12 ans violée et tuée en 2012 confie au «GHI» comment elle a vécu les procès de l’assassin de son enfant, qui clame son innocence, et comment elle tente de (sur)vivre.

  • De son balcon, la maman de Semhar peut voir la tombe de sa fille. CHRISTINA BONZON/DR

    De son balcon, la maman de Semhar peut voir la tombe de sa fille. CHRISTINA BONZON/DR

  •  Semhar. DR

    Semhar. DR

C’est abominable mais malheureusement vrai. Hanna était amie avec l’homme qui, le 23 août 2012, a tué sa fillette de 12 ans, Semhar. Le 3 avril, l’homme – un ancien chauffeur de taxi d’origine éthiopienne – a été condamné à 20 ans de prison pour assassinat et viol par la Chambre d’appel et de révision de Genève.

Près de sept ans après le drame, Hanna survit. Avec ses deux autres enfants. Celle qui est arrivée en Suisse en 1997 à l’âge de 17 ans nous reçoit dans son appartement du 7e étage, à Carouge, d’où, par le balcon, elle aperçoit la tombe de sa fille, sa petite Mimi comme elle l’appelait.

Pas de photos

Hanna vit avec son autre fille de 20 ans et son petit garçon, âgé de 8 ans. Une tête d’ange qui veut devenir footballeur «comme Mbappé». Le petit ne se souvient pas de Semhar «à part sur les photos». «Il faut dire qu’il avait un an et demi lorsque c’est arrivé», relate doucement la mère de famille. Dans cet appartement lumineux, pas de photos de la fillette disparue: Hanna n’arrive toujours pas à les regarder. Sur les murs, des icônes. Oui, Hanna est croyante. Orthodoxe. «Cela m’a aidée», explique-t-elle. On ne se remet jamais vraiment de la mort de son enfant, mais Hanna a dû continuer à vivre pour les autres. La maman a dû subir la lenteur de la justice dans ce dossier bouleversant, avec six procureurs qui se sont succédé depuis 2012, avec des procès interminables dont l’un a même dû s’interrompre, en janvier dernier, après qu’une juge se soit endormie dans le prétoire.

«Elle croquait la vie!»

«Je n’oublierai jamais ce procès, confie l’avocat d’Hanna, Me Robert Assaël. Semhar était une petite fille joyeuse, généreuse, bien dans ses baskets. Elle voulait devenir cardiologue ou maîtresse d’école et aider en Afrique. Elle croquait la vie, elle était la vie!»

Hanna aimerait pouvoir se dire, que c’est fini. Que Semhar puisse enfin reposer en paix. «Ce qui est dur, c’est qu’il n’a jamais reconnu les faits.» Les avocats du prévenu ont décidé de déposer un recours au Tribunal fédéral.

Aide psychologique

Aidée, portée, par sa cousine, ses proches, un comité de soutien, la LAVI, Hanna souhaite remercier tout le monde y compris la police, les communautés éthiopienne et erythréenne. ainsi que son avocat, Me Robert Assaël. Avant la mort de Semhar, Hanna travaillait dans une Migros. Depuis le drame, elle ne parvient plus à se concentrer. Elle vit de l’Hospice général. «Je suis encore suivie par un psy qui m’aide beaucoup», dit la maman de Semhar qui espère qu’avec la fin du procès elle va pouvoir avancer.

Tout comme elle avait fait un premier pas en déménageant du quartier de la Tambourine, où le drame a eu lieu, dans son propre appartement. «C’est le hasard qui a fait que j’habite ici, à côté du cimetière», remarque-t-elle. Hanna détourne le regard. Des larmes s’écoulent sur ses joues. Mais elle sait qu’elle doit continuer. «Semhar n’est pas loin. Elle est côté de moi, je lui parle.»