Manif mensuelle des cyclistes: toujours sans autorisation

ESPACE PUBLIC • Les pro-automobilistes exigent la suppression de la Critical mass. Mais la police se dit impuissante. Le conseiller d’Etat Mauro Poggia explique pourquoi.

  • La Critical mass, ici devant la gare de Cornavin, a lieu chaque dernier vendredi du mois. DR

    La Critical mass, ici devant la gare de Cornavin, a lieu chaque dernier vendredi du mois. DR

«Nous ne voulons plus voir des vélos envahir massivement les rues du centre-ville et le pont du Mont-Blanc un vendredi par mois en plein embouteillage», fulmine Jacky Morard, président de RouteGenève, l’association défendant les intérêts des automobilistes. «Nous avons demandé aux autorités de supprimer cet imposant défilé organisé par la Critical mass, qui provoque aussi des accidents et des foires d’empoigne entre les divers usagers de la route.»

«Enorme pétchi!»

RouteGenève a ainsi écrit le 20 septembre dernier au Département de la sécurité (DS) pour que l’Etat ne cautionne plus ni n’encadre cette manifestation jugée dangereuse. «Le choix du lieu et de l’horaire de ce gigantesque défilé n’est pas innocent, renchérit Jacky Morard. En autorisant un tel raout qui provoque un énorme pétchi en ville, on se moque ainsi de tous les usagers de la route, bloqués sciemment et malgré eux dans la circulation.»

Mauro Poggia, chargé provisoirement du DS, a pris note de ces doléances qu’il estime légitimes. Selon lui, le rassemblement mensuel, qui se tient à Genève depuis plus de vingt ans, trouble l’ordre public en pleine heure de pointe. . Il souligne toutefois que les autorités sont face à un casse-tête juridique pour l’interdire. «Nous n’avons en effet jamais pu délivrer d’autorisation officielle à la Critical mass, comme l’exige la loi cantonale des manifestations sur le domaine public (LMDPu). Nous connaissons bien les noms des organisateurs de cet événement politisé soutenu par divers élus, mais pour l’heure, aucun d’entre eux n’a pu être formellement confondu pour permettre de faire respecter la LMDPu. Or, c’est précisément par la voie de ce feu vert officiel que la police peut donner aux organisateurs des directives claires en matière de sécurité routière. Faute d’autorisation, la seule possibilité serait de disperser la manifestation avec les risques de dérapage que cela impliquerait.»

«Déposez plainte!»

Conséquence: sans coordonnateur, le défilé mensuel des deux-roues peut continuer à se réapproprier massivement les rues et boulevards du centre-ville sans être inquiété. «Petit bémol toutefois, tient à rappeler Mauro Poggia. La police encourage les victimes à dénoncer pénalement les comportements répréhensibles pendant et après le défilé.» Les débordements des fauteurs de trouble (bagarres, voitures renversées, etc.) seront punis par des sanctions pénales.

Pour mémoire, même Pro Vélo, l’association faîtière de défense des intérêts des cyclistes, déplore l’agressivité mais aussi les incivilités, injures, comportements irrespectueux de certains manifestants de la Critical mass.

Rassemblement spontané sans leader

La Critical mass a vu le jour à San Francisco le 25 septembre 1992 et le concept s’est vite propagé dans de nombreuses villes, comme Londres, Paris ou Genève chaque dernier vendredi du mois. Ce mouvement mondial de désobéissance civile est destiné à nourrir une réflexion sur le partage de l’espace public. Il n’y a pas d’organisation, ni de leader. C’est juste un rassemblement spontané de cyclistes, skaters et rollers, plutôt très jeunes, qui, ayant atteint une masse critique, peut s’imposer dans la circulation contrairement à un cycliste isolé. Le nombre de participants varie, baissant évidemment en hiver. Celle du mois de mai dernier, célébrant le 20e anniversaire à Genève lors d’une journée superbe, avait regroupé plus d’un millier de personnes.