Médiateur: le poste fantôme

ADMINISTRATION • Les citoyens en pétard avec les services de l’Etat ne peuvent toujours pas solliciter un bureau de médiation comme le prévoit la loi et la Constitution. Un dossier bloqué au parlement.

  • Fabienne Bugnon, la médiatrice principale de l’organe  de médiation de la police est chargée de la mise en place de la nouvelle structure. GIM

    Fabienne Bugnon, la médiatrice principale de l’organe de médiation de la police est chargée de la mise en place de la nouvelle structure. GIM

Délais d’attente interminables, procédures bâclées, relations tendues, bourses refusées, contentieux avec l’administration fiscale. Les conflits administratifs qui peuvent mettre en pétard les citoyens avec les services de l’Etat ne manquent pas. Ce qui fait défaut en revanche, c’est un bureau de médiation administrative pour les résoudre, comme la loi le prévoit. A ce propos, qui se souvient encore de la décision de créer un bureau de médiation administrative à Genève? Pas grand monde. Il y a cinq ans pourtant, l’avenir de cette structure semblait tout tracé. C’était l’ère de la belle entente. Rappelez-vous, la nouvelle Constitution plébiscitait sa création en 2012. Un projet de loi était adopté avec enthousiasme par le Conseil d’Etat en 2013 et sans opposition par le Grand Conseil en 2015. Difficile de faire mieux. Puis, patatra! La loi entrée en vigueur le 30 juin 2015 n’a jamais été mise en application. Comment expliquer un tel blocage?

«Outil neutre»

«Il est étonnant que les députés n’en fassent pas une priorité», regrette Fabienne Bugnon. Chargée de la mise en place de la structure, l’actuelle médiatrice principale de l’Organe de médiation de la police (OMP, lire ci-dessous) s’est beaucoup investie dans le projet à la demande du magistrat Pierre Maudet. «Il s’agit d’offrir aux administrés un outil neutre et confidentiel d’écoute, de dialogue, d’information et de conseil qui permet d’apporter rapidement une justice réparatrice», plaide-t-elle. Avant de préciser: «La médiation n’est pas un contrôle ni une sanction, c’est une procédure extrajudiciaire légère et gratuite pour faire gagner du temps aux citoyens et aux services de l’Etat. Le médiateur a également un rôle préventif car il calme des gens qui n’agresseront pas des fonctionnaires aux guichets. C’est du gagnant-gagnant», résume-t-elle.

«Les choses coinçaient au niveau de la commission des finances», rappelle de son côté Pierre Maudet, conseiller d’Etat en charge de la Sécurité et de l’Economie. «A juste titre, ses membres trouvaient le dispositif proposé trop lourd et coûteux. On parlait d’un budget de fonctionnement d’environ un million par an. L’idée est d’avoir quelque chose de plus souple et agile, comme pour la police. Ceci explique sans doute les allers et retours en commission et le fait que le dossier se retrouve encore aujourd’hui pendant devant le Grand Conseil, malgré son utilité incontestable», explique Pierre Maudet. Avant de conclure: «Dans une société qui se judiciarise et où les gens n’ont plus forcément comme premier réflexe de se parler en cas de litige, cette structure peut servir à désamorcer les conflits en amont. Les citoyens sont aussi plus méfiants vis-à-vis de l’administration et les fonctionnaires peuvent se sentir incompris dans l’exercice de leur activité. Il faut que tous puissent être entendus par une instance neutre, sur le modèle de l’OMP. Les avantages sont importants. On peut rétablir l’écoute et la confiance mais aussi éviter les tensions aux guichets et contribuer à désengorger les tribunaux.»

Ombudsman ou médiateur?

Pour cela, il faudra définir la fonction du médiateur. «La Constitution n’est pas très claire. Nous devions choisir entre ombudsman ou médiateur, deux fonctions qui ne sont pas les mêmes, ce qui n’a pas facilité les débats. Puis il a fallu décider si le nouveau bureau serait intégré ou non dans une structure existante de l’Etat», explique le député Jean-Marc Guinchard. Qui poursuit: «Reste que la création d’un organe de médiation est utile et bénéfique, il n’y a qu’à voir les exemples réussis de Vaud et Zurich. Genève a pris du retard sur eux.» Pour le combler, les députés devront relancer le débat. Cela tombe bien, le dossier est à l’ordre du jour des prochaines sessions parlementaires. «S’ils n’arrivent pas à sortir de l’impasse, ils n’ont qu’à faire appel à un médiateur», ironise un haut fonctionnaire pour qui une telle structure aurait déjà dû être mise en place depuis de nombreuses années, dans l’intérêt de la population et de l’Administration. Affaire à suivre.