«Taxons les entreprises qui engagent des frontaliers»

GRAND CONSEIL • Un projet de loi du MCG vise à pénaliser les sociétés privées qui engagent de la main-d’œuvre étrangère. Mesure discriminatoire, scandaleuse et incompatible avec le droit supérieur rétorque l’association faîtière des commerçants.

  • Le député MCG Daniel Sormanni. GIM

    Le député MCG Daniel Sormanni. GIM

La lutte pour la préférence cantonale à l’embauche se durcit à Genève. Le Mouvement Citoyens genevois (MCG) a déposé, le 24 novembre, un projet de loi demandant au Grand Conseil de modifier la loi sur l’imposition des personnes morales. But de la manœuvre? «Taxer toutes les entreprises privées qui engagent de nouveaux frontaliers», lâche le député MCG Daniel Sormanni.

Taxe incitative

«Concrètement, cette taxe à la charge exclusive de l’employeur s’élèverait à 5% du salaire brut et s’appliquerait à tout nouveau permis G. Afin d’éviter les tracasseries administratives, elle serait prélevée chaque mois par les caisses de compensation», détaille le vice-président du MCG. Mais pourquoi vouloir instaurer une telle contrainte? «A l’heure actuelle, Genève compte plus de 100’000 frontaliers. Un chiffre en hausse constante depuis 20 ans. Notre volonté est de mettre les entreprises privées face à leurs responsabilités sociales. La plupart continuent en effet à engager en masse, à l’extérieur des frontières, du personnel qui pourrait être trouvé dans le canton. Conséquence, Genève compte environ 30’000 personnes au chômage ou en recherche d’emploi. Sans parler des nombreux Genevois qui sont à l’assistance publique. Cela ne peut plus durer. Les entreprises privées doivent faire un effort pour remettre sur le marché de l’emploi ces personnes qui n’ont aujourd’hui plus aucune perspective d’avenir.» Reste à préciser ce que deviendrait le produit de la taxe... «Géré par l’Etat, il serait affecté à un fonds destiné à la réinsertion et à la formation», clarifie Daniel Sormanni.

Charge discriminatoire

«C’est du populisme de bas étage, une véritable provocation et une atteinte claire à la libre-circulation des personnes», s’indigne de son côté Ivan Slatkine, président de la Fédération des Entreprises romandes. «Un tel projet, qui est une charge discriminatoire scandaleuse contre tous les frontaliers, n’est pas compatible avec le droit supérieur. De plus, il ne va pas du tout dans le sens des intérêts de l’économie genevoise. Avec un réservoir de population trop faible pour répondre aux besoins, Genève a toujours eu besoin de main-d’œuvre frontalière. Sans elle, notre économie ne tourne pas», appuie Ivan Slatkine. Avant de poursuivre: «On peut comprendre qu’il faille sensibiliser l’économie à engager en priorité des résidents. Mais vouloir taxer les entreprises qui employent de la main-d’œuvre étrangère va plomber les comptes de commerces déjà lourdement pénalisés par le franc fort, le tourisme d’achat et la mise en œuvre de l’initiative contre l’immigration de masse du 9 février. J’ajoute que ce sinistre projet, qui veut taxer la libre circulation des employés, me rappelle de sombres années de l’Europe.»

"Une garantie pour notre paix sociale"

«Le projet de loi doit être examiné en commission. Mais toute initiative qui permet de faire avancer le débat sur la responsabilité sociale de nos entreprises publiques et privées est bonne à prendre», plaide notamment Mauro Poggia, ministre en charge de l’emploi à Genève. «La priorité à l’emploi aux résidents est la garantie de notre paix sociale. N’oublions pas que sur cette question de préférence cantonale, les mentalités ont beaucoup évolué ces dernières années, et cela grâce au débat public.»