La mort programmée des tableaux noirs

- Le Département de l’instruction publique (DIP) fait sa révolution... numérique.
- Depuis la rentrée, il équipe toutes les écoles du secondaire de systèmes de projection interactifs.
- Adieu craies et éponges, place aux stylets.

  • L’école à papa a vécu. Faut-il s’en réjouir? L’expérience nous le dira. DR Anne Emery-Torracinta​, conseillère d’Etat chargée du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (DIP). DR

    L’école à papa a vécu. Faut-il s’en réjouir? L’expérience nous le dira. DR Anne Emery-Torracinta​, conseillère d’Etat chargée du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (DIP). DR

  • L’école à papa a vécu. Faut-il s’en réjouir? L’expérience nous le dira. DR Anne Emery-Torracinta​, conseillère d’Etat chargée du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (DIP). DR

    L’école à papa a vécu. Faut-il s’en réjouir? L’expérience nous le dira. DR Anne Emery-Torracinta​, conseillère d’Etat chargée du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (DIP). DR

«C’est incroyable, ils jettent leurs tableaux noirs à la poubelle!», s’exclame un groupe de passants, en lorgnant dans la cour de l’Ecole de culture générale, à la rue d’Italie. Dans cet établissement, comme ailleurs, les bennes ne désemplissent plus depuis la rentrée, passage au tout numérique oblige.

Le Département de l’instruction publique (DIP) va, en effet, équiper toutes les écoles du secondaire de systèmes de projections interactifs d’ici la fin de l’année. Ce programme ambitieux, lancé voici 5 ans, avait été freiné par les difficultés budgétaires de l’Etat. Moins de 500 salles, sur un total de 2600, avaient pu en être dotées jusque-là. Mais, depuis cet été, le DIP est en passe de rattraper son retard. Adieux donc les craies salissantes et crissantes, les éponges suintantes et les ardoises anthracite. Place aux stylets et aux écrans blancs.

Belle ardoise

Avec ces nouveaux outils pédagogiques, les profs peuvent désormais lancer des vidéos, annoter des documents à distance, illustrer leurs cours virtuels, qui se retrouvent projetés sur le mur. Coût du dispositif par classe: environ 2000 francs. «L’opération d’équipement actuel concerne 2121 classes pour un budget de 4,2 millions de francs», souligne le DIP. Une somme à laquelle il convient d’ajouter les travaux d’installation dans les salles, qui se montent à 3,35 millions, supportés par l’Office des bâtiments du Département des finances. Le projet prévoit aussi l’achat de 3250 tablettes tactiles – introduites au cycle et, bientôt, à l’école primaire – pour 1,5 million de francs. Belle ardoise.

Au tableau, Kirikou

L’école de papa a donc vécu. Place aux écrans interactifs, aux rétroprojecteurs numériques, aux beamers, à internet et à l’ultra-connectivité. Faut-il s’en réjouir? L’expérience nous le dira. Quant à nos bons vieux tableaux noirs, sachez qu’ils ne finiront pas tous à la casse. Une partie du matériel prendra, en effet, la route du Togo. L’association GECRI (Groupe d’enseignants pour la coordination de la redistribution interscolaire), en a déjà récupéré près de deux cents qui seront livrés à bon port prochainement. Pour la plus grande joie de leurs collègues africains, qui devraient en faire bon usage. «Charrette de gamin. Au tableau, Kirikou!»

"Informatique et tableau noir sont complémentaires"

«A mon époque, il y avait le tableau noir et le bon vieux rétroprojecteur. Tous deux étaient complémentaires», explique Jean Romain, député au Grand Conseil. «Aujourd’hui, c’est la même chose avec l’arrivée des tablettes et autres outils informatiques. Ces nouveaux systèmes ne doivent pas remplacer le tableau noir, ils doivent être utilisés comme des outils supplémentaires», plaide l’ancien professeur de philosophie au Collège Rousseau. Qui poursuit: «Un unique support lasse. En modifiant les supports, on restimule l’attention de l’élève. Au fond, le numérique permet de varier les aides pédagogiques et de raviver le capital d’attention des élèves qui n’a pas été utilisé.» Bien dit. Mais alors, ne faudrait-il pas que cette informatisation de l’enseignement devienne une priorité? «Non. Il faut, certes, équiper les classes, notamment en installant internet, et permettre à chaque professeur, en fonction de ses affinités et de ses besoins, de privilégier un support plutôt qu’un autre, mais l’essentiel de la transmission de l’héritage passe par le contact humain, le contact personnel. De ce point de vue, le tableau noir reste un outil très efficace avec en prime une importante économie de moyens.»