Exoplanètes: y a-t-il de la vie ailleurs?

Comment savoir si une planète lointaine abrite la vie? Des chercheurs de l’EPFL ont développé un modèle qui permet d’interpréter les résultats de la recherche de «preuves de vie» lointaines. Explications.

  • Une nouvelle planète est découverte tous les deux à trois jours. 123RF/PETER JURIK

    Une nouvelle planète est découverte tous les deux à trois jours. 123RF/PETER JURIK

Il y a vingt-cinq ans, le monde scientifique découvrait la première exoplanète, soit une planète qui orbitait autour d’un autre soleil de la galaxie. Depuis, plus de 4300 d’entre elles semblables ont été repérées. Et c’est loin d’être définitif! En moyenne, une nouvelle planète est découverte tous les deux à trois jours et près de 200 seraient telluriques, c’est-à-dire composées essentiellement de roches comme la Terre.

Biosignatures

Même si de nombreux autres paramètres doivent s’ajouter à celui-ci pour abriter la vie, comme la présence d’eau et la distance de leur étoile, c’est précisément sur ces objets «en dur» que les scientifiques ont concentré leur quête de potentielles traces de vie. Dans ce contexte, la recherche de biosignatures par spectroscopie (étude du spectre d’un phénomène physique) va probablement devenir l’une des méthodes et des thèmes les plus importants de l’astronomie des prochaines années.

De nombreux programmes se développent ainsi sur la base de nouveaux outils de pointe, tels que le satellite chasseurs d’exoplanètes CHEOPS, projet auquel participe l’Université de Berne, mis en orbite en décembre 2019, ou le télescope optique James-Webb, dont le lancement est prévu en octobre 2021.

Partir de l’inconnu

Quelles seront les implications de telles recherches? Comment en interpréter les résultats? Qu’est-ce que cela signifie si, au bout du compte, une seule biosignature est identifiée? Ou que déduire si aucune n’est détectée? C’est là que les chercheurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en collaboration avec une équipe de l’Université de Rome Tor Vergata, sont intervenus, en proposant un modèle original, basé sur le principe des statistiques bayésiennes, particulièrement pertinentes en présence de petits échantillons de données.

«Nous avons tous l’intuition que si nous trouvons une preuve de l’existence de la vie sur une autre planète, cela veut dire qu’elle est partout dans la galaxie, mais dans quelle mesure exactement?» relève ainsi Amedeo Balbi, professeur d’astronomie et d’astrophysique au Département de physique de l’Université romaine. «Dans cette étude, nous proposons une méthode qui permet de transformer cette intuition en statistiques, et aussi de dire avec précision ce que ces chiffres signifient en termes de quantités et d’abondance.»

D’un monde à l’autre

«L’un de nos buts est de savoir comment les hypothèses, qui attribuent un certain degré de crédibilité à la présence de la vie à l’extérieur de la Terre, sont pesées et comparées à la lumière des nouvelles données qui seront collectées dans les prochaines années», décrit pour sa part Claudio Grimaldi, chercheur au Laboratoire de physique de la matière complexe de l’EPFL.

L’étude a ainsi pu déterminer que, étant donné le petit nombre de planètes qui seront examinées dans un proche futur, et en supposant que la vie naît de manière indépendante sur d’autres planètes, la détection d’une seule biosignature pourrait amener un observateur initialement agnostique à conclure avec une probabilité supérieure à 95% qu’il y aurait plus de 100’000 planètes habitées dans la galaxie, soit un nombre plus important que celui des pulsars, objets issus de l’explosion d’une étoile massive en fin de vie. Inversement, l’absence totale de biosignatures ne permettrait en aucun cas de penser que nous serions les seuls êtres vivants et laisserait encore tout ouvert sur l’abondance d’autres formes de vie dans la Voie lactée.

Transfert de la vie entre planètes

Les scientifiques ajoutent une notion à leur analyse: celle de panspermie, c’est-à-dire la possibilité que la distribution de la vie dans l’espace ne soit pas le fruit d’un développement indépendant, mais du transfert d’organismes microscopiques ou de matière organique, entre planètes voisines ou sur de grandes distances, par les comètes par exemple. Suivant ces options, l’apparition de la vie serait alors corrélée à un facteur de distance et aux capacités de ces différentes formes de vie à résister aux affres du transfert ainsi qu’à s’adapter à de nouvelles conditions.