LE PAYS ENDORMI

En France, l’Union sacrée. Sous prétexte de guerre en Ukraine, un tapis rouge déroulé sous les pieds d’Emmanuel Macron, père de la Patrie, monarque protecteur. On a vu ça avec la réélection, sans véritable combat idéologique, de François Mitterrand, en mai 1988. C’est le scénario qui prévaut pour la présidentielle 2022, sous réserve d’événements majeurs pouvant encore survenir d’ici aux dimanches 10 et 24 avril.

Ce scénario est funeste pour la France. Privés de droits démocratiques tels que nous les connaissons en Suisse (initiative, référendum), livrés toute l’année à la verticalité du pouvoir parisien, les Français n’ont qu’un seul grand moment de débat national: la présidentielle, tous les cinq ans.

Ce débat, dès l’automne dernier, avait bien commencé, avec des voix réellement alternatives à celle du président sortant: à gauche, Jean-Luc Mélenchon; dans la droite nationale et souverainiste, Marine Le Pen et Eric Zemmour.

Et là, Ukraine oblige, on nous dit qu’il faudrait calmer le jeu! Ce serait une catastrophe. Si les choses les plus dures ne se disent pas maintenant, elles ressortiront pendant la législature Macron 2. Dans les rues, des Gilets jaunes 2. Partout dans le pays, la colère sociale. Et puis, sur l’appartenance de la France à l’Otan, sur sa place dans l’Union européenne, les trois candidats cités plus haut présentent des thèses radicalement opposées à l’aimable internationalisme de Macron. Les taire aujourd’hui, ou les atténuer, c’est l’assurance de voir le débat rugir demain. On n’endort pas le pays impunément avec le faux consensus de l’Union sacrée.