Les Genevois mobilisés pour aider l’Ukraine

La Mission permanente d’Ukraine, des associations et des particuliers organisent des collectes de médicaments, etc. Le quartier de la Genève internationale, dont la mission permanente de Russie, est sous haute protection. Pour ceux qui n’auraient pas suivi: cinq points pour comprendre le conflit.

  • A la paroisse Saint-Clotilde, on s’active pour trier les sacs qui s’entassent. STéPHANE CHOLLET

    A la paroisse Saint-Clotilde, on s’active pour trier les sacs qui s’entassent. STEPHANE CHOLLET

«Le matériel médical est ce dont ils ont le plus besoin»

Sandra Golay, coordinatrice du pôle diaconie de l’Eglise catholique romaine de Genève

Dans l’église Sainte Clotilde, à la Jonction, on s’active. Objectif: venir en aide rapidement et efficacement à la population ukrainienne contrainte de fuir un pays en guerre suite à l’offensive russe lancée jeudi 24 février. Depuis, les dons affluent de toutes parts. Répondant notamment aux appels lancés sur les réseaux sociaux, les Genevois, solidaires, se mobilisent.

Dans les locaux de la paroisse Saint-Clotilde, en ce lundi 28 février, les sacs s’entassent sur et sous les tables. «On a toute une équipe de paroissiens qui est là pour trier, explique Sandra Golay, coordinatrice du pôle diaconie (comprenez la charité) de l’Eglise catholique romaine de Genève. On sépare les vêtements pour hommes, femmes et enfants.» Il s’agit aussi de traduire en ukrainien à la fois les listes de ce que contiennent les cartons mais aussi les notices d’utilisation des médicaments.

Besoin de matériel médical

«Le matériel médical est ce dont ils ont le plus besoin», stipule Sandra Golay. Du simple désinfectant aux minerves en passant par les antidouleurs, les anti-inflammatoires, les pinces et les champs stériles, tout manque sur place. «Les pharmacies de France voisine participent en nous fournissant des produits», poursuit notre interlocutrice. Pas moins de 60 m3 sont ainsi attendus.

Le premier convoi devrait partir mardi. «Les autres sont prévus vendredi 4 mars: deux camions pour la Pologne et un pour la Roumanie», détaille Silvana Mastromatteo, fondatrice de la Caravane sans frontière qui chapeaute la collecte. «Beaucoup de personnes nous demandent: comment puis-je aider?» raconte-t-elle. A l’image de cette habitante de Montreux qui met à disposition un bus de huit places. «Elle propose aussi un appartement pour loger des réfugiés si besoin.»

Mission permanente de l’Ukraine submergée par les dons

Un élan de solidarité qui a complètement submergé la Mission permanente de l’Ukraine auprès de l’Office des Nations Unies. Cette dernière a, elle aussi, lancé une collecte de vêtements chauds, couvertures, médicaments mais aussi nourritures en canette et pâtes. Seulement voilà, l’afflux a été tel depuis samedi que les deux numéros de téléphone mentionnés pour pouvoir déposer son don ne répondent plus. Un sms automatique indique: «Merci beaucoup pour votre soutien. Actuellement, nous avons tellement de dons que nous ne pouvons pas les traiter. Excusez-nous, mais nous devons organiser la sortie et le transport pour le moment.»

D’autres structures ou des particuliers proches des Ukrainiens prennent le relais. Telle que Deti. Créée en 2017 et axée alors sur l’éducation des enfants et adolescents ukrainiens, l’association a, vu les circonstances, modifié sa mission. «Vu nos contacts sur place et le réseau tissé à Genève, cela allait de soi, réagit la présidente de Deti, Maryna Romanenko. «Au-delà des vêtements et produits, nous collectons aussi de l’argent pour pouvoir financer le transport de la marchandises à 2000 kilomètres d’ici.» Le premier convoi est agendé à mardi 29 février. «Il arrivera à Varsovie, en Pologne puis, l’aide pourra emprunter les couloirs humanitaires. En attendant, les dons sont stockés partout où il y a de la place, notamment dans les appartements des bénévoles de l’association. Le système D au profit de la solidarité!

Lire aussi l'interview de Vincent Subilia, directeur général de la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève (CCIG)

Cinq questions pour comprendre ce conflit

INTERVIEW • Vous n’avez rien compris à ce qui se passe en Ukraine. Pour nous aider, les explications de Korine Amacher, professeure d’histoire russe et soviétique à l’Université de Genève:

GHI: Où en est le conflit?
Korine Amacher:
La Russie a envahi l’Ukraine et tente désormais d’attaquer ville par ville. C’est un peu David contre Goliath, mais l’Ukraine résiste mieux que prévu. Elle est moralement soutenue par la communauté internationale, qui considère que la Russie est l’agresseur.

– Pourquoi le président russe a-t-il attaqué l’Ukraine?
Vladimir Poutine ne reconnaît pas la souveraineté de l’Ukraine. Il considère que ce pays représente une menace pour la Russie et il ne supporte pas qu’il se tourne vers l’Europe occidentale.

– Quel rapport avec l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique nord)?
Vladimir Poutine s’insurge contre l’élargissement de l’Otan à des pays dont il considère qu’ils font partie de sa sphère d’influence. Il évoque la sécurité de la Russie, se sent menacé par l’Otan. Mais derrière le terme «sécurité», les anciens Etats «de l’Est» entendent celui de «domination» et ils se sentent protégés par l’Otan.

– Quelle peut être la position de la Suisse face à cette offensive? Doit-elle intervenir? Ou rester neutre?
La Suisse s’est alignée sur l’intégralité des sanctions européennes. Il s’agit d’une décision historique. Il y avait énormément de pression sur le Conseil fédéral, qui souligne toutefois que cela ne signifie pas que la Suisse renonce à son principe de neutralité.

– Cette guerre peut-elle venir jusqu’à nous?
Même si c’est un conflit global, un conflit entre la Russie et l’Occident, la guerre se déroule sur le territoire ukrainien. La Suisse pourrait bien sûr être touchée en cas de guerre nucléaire. Mais on n’en est pas là.

 

La Mission permanente russe sous protection renforcée

Dimanche soir, dans le quartier des Nations, la Mission permanente de la Russie semble plongée dans un calme profond. Vu le contexte international, on imaginait trouver là une ou deux voitures en faction et quelques policiers armés jusqu’aux dents. Il n’en est rien. A première vue.

Au moment de dégainer l’appareil photo, deux agents de sécurité au look patibulaire sortent de la guérite qu’on croyait vide. «Vous ne pouvez pas rester là madame. C’est interdit! Et vous n’avez pas le droit de prendre des photos. Vous n’êtes pas au courant de ce qui se passe en ce moment en Ukraine?» La discussion s’engage: «Si, justement. La sécurité autour de la mission russe a-t-elle été renforcée ces derniers jours?», interroge-t-on, candide. «Forcément!», lâche l’un des agents, sans plus de précisions.

Reste qu’il est avéré que des moyens supplémentaires sont engagés dans ces périodes de tensions internationales. Des moyens pouvant aller jusqu’à des effectifs policiers supplémentaires venus d’autres cantons voire jusqu’à l’appui de l’armée.

Mais, quant au nombre de policiers ou encore aux moyens financiers engagés par le Canton pour garantir la sécurité de la mission permanente russe et plus largement de la Genève internationale, les précisions du Département de la sécurité, de la population et de la santé (DSPS) ne sont, là encore, pas légion. «La protection de tous les sites diplomatiques fait partie de la responsabilité et des obligations habituelles d’un Etat, selon les conventions internationales, indique, laconique, son porte-parole, Laurent Paoliello. Nous ne communiquons naturellement pas d’informations plus spécifiques sur un lieu donné pour un souci évident de sécurité», conclut-il. 

PHOTO MARIE PRIEUR