L’EXTASE DE LA STRUCTURE

De quoi l’école a-t-elle besoin? La réponse est simple: elle a besoin de passion. C’est la seule chose qui compte. C’est le fondement de l’édifice. Les élèves doivent avoir face à eux (oui, en face, dans un rapport frontal) des hommes et des femmes passionnés. Des humains, qui leur parlent, au fond des yeux. Et qui leur transmettent leur passion à eux, celle qui les anime, celle qui du dedans les incendie.

Aujourd’hui comme hier, les profs passionnés existent. Hommage à eux. Ce sont eux qui sauveront l’institution, et non les tristes missionnaires de la structure. Ces derniers, hélas, sont omniprésents. Pas trop dans les salles de classes, mais dans l’Appareil. De l’intérieur, ils le nourrissent. Ils croient, sincèrement, que l’enseignement est une science, alors ils se recroquevillent sur le mesurable. Ils édictent et imposent des règles, comme si l’art de transmettre une passion devait relever d’une grammaire supérieure, donnée une fois pour toutes, sous la bénédiction de Piaget et ses épigones. Ils sont les gardiens du Temple. Les archanges du Paradis.

L’école genevoise a d’excellents professeurs. D’excellents doyens. D’excellents directeurs, directrices. Des gens de qualité, cultivés, soucieux du bien public. Mais il règne, dans le département, un climat de noyautage par ceux qui, moins habités que d’autres par la grâce de la transmission, l’art du verbe, la passion de l’oralité, se réfugient dans l’extase de la structure. Ces gens-là, sans tarder, doivent être dessaisis du pouvoir triste et malsain qu’ils exercent sur leurs pairs.