Médecine de ville: Maudet fait bouger les lignes...

Médecins de famille, pédopsychiatres et pédiatres peuvent désormais ouvrir librement un cabinet en ville. Le patron de la Santé, Pierre Maudet, a en effet fait sauter 
la clause du besoin qui régule le nombre de praticiens de ces spécialités. Une nouvelle ligne téléphonique d’urgence sera ouverte en 2024. Interview du magistrat, Pierre Maudet.

Trois spécialités médicales liées au premier recours pourront s’installer en ville sans devoir attendre qu’un cabinet ne se libère. Bonne pioche pour les patients genevois qui peinaient à trouver un nouveau médecin (généraliste interniste), un pédiatre ou un pédopsychiatre disponible rapidement. Ou pire, en dehors des heures ouvrables et les week-ends.

GHI: en préambule, pouvez-vous circonscrire la clause du besoin?
Pierre Maudet: C’est une possibilité donnée aux cantons par les chambres fédérales pour maîtriser les coûts de 
la santé en régulant l’offre ambulatoire. Les modalités d’application sont imposées par Berne. A partir de 2025, les nombres de références pour évaluer le besoin de Genève ne permettront plus aucune marge de manœuvre. L’objectif du Canton est de maintenir un taux de médecins sur le territoire qui réponde aux besoins.

La mise en œuvre de cette clause du besoin avait suscité quelques inquiétudes au sein de l’Association des médecins genevois (AMGe (nos éditions du 4-5 octobre). Elle avait même saisi la justice.
L’AMGe contestait notre manière d’établir les chiffres de référence pendant la période transitoire. Elle m’a alerté concernant la médecine de premier recours (médecins de famille, pédopsychiatrie et pédiatrie) qui est fortement sollicitée. Pour d’autres spécialités, mon département et l’AMGe ont entamé des discussions avec les présidents de chaque faîtière professionnelle ainsi qu’avec l’Association des médecins des Institutions genevoises (AMIG), 
les cliniques privées et les HUG. Et ce, pour connaître exactement l’état de la situation. Quant au recours, l’AMGe s’est engagée à le retirer.

L’accord prévoit une solution pragmatique à la fois utile pour les patients et pertinente pour désengorger les Urgences hospitalières?
Il y a de réels besoins pour la population d’accéder à des consultations sans rendez-vous sans passer systématiquement par les urgences publiques. Aujourd’hui, bon nombre de patients se dirigent vers les Urgences des HUG pour divers besoins non vitaux. C’est pourquoi, afin de répondre rapidement aux demandes de la population, toujours en accord avec l’AMGe, nous allons introduire une astreinte à la garde pour les médecins de ville. Leurs compétences sont nécessaires pour une bonne organisation du réseau de santé. Les gardes seront établies avec mon Département (rythme et information au public).

Quelles sont les dispositions prises concernant les sous-spécialités, comme l’orthopédie par exemple? Un spécialiste du genou ne peut traiter un problème d’épaule.
Nous avons inclus dans notre enquête un relevé plus fin que celui prévu par les textes fédéraux. Nous allons analyser les données recueillies par la Direction générale de la Santé afin d’examiner d’éventuelles exceptions en cas d’activités très spécialisées.

Les médecins généralistes internistes, dûment formés, ne vont-ils pas se sentir pénalisés par cette contrainte?
A mon sens, cette catégorie médicale devrait être mieux valorisée car beaucoup d’actes qu’elle fournit, notamment d’ordre social, ne sont pas rémunérés. Il est toutefois logique, car la collectivité paie leur formation, que les médecins, s’engagent pour la population.

Au-delà, vous semblez vouloir construire un véritable réseau de santé? 
Il est important d’optimiser les interactions entre médecins, institutions privées et publiques pour un meilleur suivi des patients tout en maîtrisant les coûts de la santé.

 

Remplacer les médecins à la retraite

Trois questions à Michel Matter, président de l’Association des médecins genevois (AMGe)
L’assouplissement de la clause du besoin est un soulagement?
Nous avons toujours défendu qu’une régulation du nombre de médecins sur le canton de Genève est indispensable. C’est dans cet état d’esprit que nous nous engageons pour permettre à la population d’avoir la meilleure prise en charge possible. La levée de la clause du besoin pour la médecine de premier recours ainsi que pour la pédopsychiatrie est accueillie comme une évidence en raison des demandes de consultations de plus en plus importantes. Nous saluons cette avancée et la volonté de collaboration du Conseiller d’État. La notion de sous-spécialités devra être prépondérante dans l’attribution des droits de pratique à charge des assureurs pour pouvoir au mieux couvrir les exacts besoins en soins.

Pensez-vous que les médecins de ville vont adhérer aisément à la mesure d’astreinte ?
Il sera indispensable de définir avec précision la demande. Ensuite, selon les exigences du terrain et l’offre actuelle, nous pourrons ensemble établir le cadre précis de la garde. Il ne faut pas oublier qu’en journée un nombre conséquent de patients sont examinés en urgence ou sont pris en charge rapidement dans les cabinets et centres médicaux établis en ville. La garde ne concernera sans doute pas toutes les spécialités ni tous les médecins d’une spécialité. Ces contours seront définis en commun avec le Département au cours des prochains mois. En attendant la mise en œuvre d’une ligne téléphonique d’urgence ouverte toute l’année pour diriger les demandes de rendez-vous rapides, un service téléphonique sera actif pendant les Fêtes de fin d’année.

La levée partielle de la clause du besoin s’applique jusqu’en 2025. Et au-delà? Quel avenir pour étudiants en médecine?
L’avenir de nos jeunes collègues nous pousse à être des partenaires crédibles et à nous opposer à toute forme d’asymétrie entre la ville et les institutions. Il est essentiel de maintenir l’indépendance des médecins et le libre choix des professionnels de la santé, ce que le peuple a, par deux fois, plébiscité. Genève aura fait deux exercices pleins pour identifier l’offre médicale réelle afin de mieux poursuivre le remplacement des nombreux collègues qui partiront à la retraite ou effectuer les ajustements dans les spécialités et sous-spécialités concernées. Cette souplesse du système devra perdurer.