«L’argent est le vrai moteur de Tariq Ramadan»

  • Dans une enquête très fouillée, le journaliste Ian Hamel revient sur le parcours de l’islamologue.
  • Amour de l’argent, séduction, ego surdimensionné, l’auteur dévoile des aspects méconnus de sa personnalité.
  • Avec une interrogation: comment un homme aussi peu orthodoxe a-t-il pu prospérer aussi longtemps? Interview.

  • La couverture du livre

    La couverture du livre. DR

  • L'auteur, le journaliste Ian Hamel. DR

    de Ian Hamel (en médaillon),

«Il a prospéré dans le terreau d’inculture des musulmans d’Europe»

Ian Hamel

Pour le journaliste Ian Hamel, correspondant du magazine français Le Point en Suisse, Tariq Ramadan n’est ni universitaire, ni chercheur, ni religieux, ni un bon mari, ni même un bon arabisant. C’est un imposteur, d’où le titre de son livre Histoire d’une imposture. Interview.

GHI: Pour beaucoup, Tariq Ramadan est un intellectuel, un islamologue… Ian Hamel: Pas du tout. Je suis frappé par le fait qu’il passe son temps à envoyer des SMS, mais ne travaille pas, ne va jamais dans les bibliothèques. Il drague et fait des conférences, mais ce n’est pas un intellectuel…

– Il est pourtant l’auteur de nombreux ouvrages… Ses livres n’ont aucune plus-value, ils sont vides. Le mieux vendu est celui qu’il a consacré à la vie du Prophète. Ouvrez-le, il ne contient aucune source, aucune note de bas de page référencée.

– L’homme s’est souvent présenté comme un théologien musulman… Il a prospéré dans le terreau d’inculture des musulmans d’Europe qui ont vu en lui un chef, un intellectuel, un savant de l’islam, mais tous les témoignages que j’ai recueillis vont dans le même sens. Beaucoup, surtout des femmes, le consultaient pour des questions religieuses. Ses réponses tournaient vite autour du sexe. En outre, tous ceux qui l’ont côtoyé de près l’affirment: il ne parle jamais de religion, ne mange pas halal, ne fait jamais la prière sauf quand il est en public.

– Une des révélations de votre enquête, c’est à quel point il aime l’argent… Pour moi, le vrai moteur de sa vie c’est l’argent et un des drames de sa vie c’est son père qui est mort dans la misère. Il a une maison à Londres, un appartement à Montmartre, à Paris, un en Seine Saint-Denis histoire de faire plus proche du peuple. Quand il voyage, il dort dans des cinq étoiles, perçoit des salaires élevés. D’ailleurs, il s’est toujours fait payer pour ses conférences.

– Certains, en particulier dans les milieux de gauche, ont vu en lui un vrai adepte de l’intégration des musulmans… C’est faux. D’un côté, il prône le vivre-ensemble, mais lorsqu’on analyse son discours on comprend qu’il dit exactement l’inverse, qu’en substance son message est au contraire: «Ne vous intégrez pas!»

– Ce livre est le deuxième que vous consacrez à Tariq Ramadan. Que vous a-t-il appris de plus? Je savais que le personnage n’était pas très sympathique, mais je n’imaginais pas que l’imposture puisse atteindre de tels sommets. C’est incroyable que tant de gens intelligents et connus aient pu se tromper à ce point sur son compte. J’observe d’ailleurs qu’aujourd’hui, ils tardent à faire leur mea-culpa.

– Bien des personnalités d’envergure issues du monde intellectuel ou des milieux catholiques lui ont en effet apporté leur soutien contre vents et marées… Comment expliquez-vous cela? Ce sont pour reprendre l’expression de Lénine, les «idiots utiles» sur lesquels il a bâti son ascension. Dans ces milieux-là, il faut être du côté des opprimés. Et pour eux l’opprimé c’est le musulman. D’ailleurs Tariq Ramadan se compare volontiers à Nelson Mandela, Jean Moulin, et même maintenant à Malcolm X… En réalité, sa force c’est d’aller voir des gens qui ne lui ressemblent pas, qui si possible ont un carnet d’adresses et de jeter des ponts avec eux. Il est doué pour ça et cela lui a longtemps réussi.

– Tariq Ramadan a surtout prospéré en France et très peu en Suisse. Pourquoi? En Suisse, sa méthode a moins bien fonctionné. Probablement en raison de la proximité, qui fait que les musulmans se connaissent entre eux. Et puis contrairement à la France, la culture suisse n’est pas une culture de frime, de show permanent.

– Comment expliquez-vous que cette imposture ait pu durer si longtemps? C’est une bonne question, d’autant que tout a été révélé depuis des années, par exemple avec le livre de Caroline Fourest. A mon sens, il y a une part qui relève de la négligence voire de la complaisance de la presse qui n’a pas fait son travail. Pour elle, il est plus facile d’avoir recours à «l’arabe de service» qui est un très bon client, doté d’un grand charisme, qui s’exprime très bien et qui sait si bien tout expliquer. C’est vrai qu’il est intelligent, que c’est un excellent orateur.

– Vous-même étiez informé de ses frasques sexuelles. Pourquoi n’avez-vous rien dit? La vie privée c’est la vie privée. J’ai eu en ma possession, c’est vrai, de nombreux témoignages. Mais ceux-ci souhaitant à l’époque demeurer anonymes, il était légalement impossible d’écrire quoi que ce soit.

– Les autorités avaient eu vent de ses relations intimes avec certaines de ses élèves. Comment expliquez-vous leur mansuétude? Difficile de savoir. Peut-être parce que c’était une autre époque et que l’on tolérait plus des relations entre enseignants et élèves. «Tariq Ramadan - Histoire d’une imposture», Ian Hamel, éditions Flammarion.