La construction d’immeubles élevés fâche les Genevois

URBANISME • Plusieurs associations et des habitants du quartier des Allières, près de la gare des Eaux-Vives, dénoncent la construction de nouveaux bâtiments jugés trop élevés. Les autorités relativisent.

  • Le quartier des Allières et son nouveau visage se voient de loin en raison de la hauteur des immeubles. TR

    Le quartier des Allières et son nouveau visage se voient de loin en raison de la hauteur des immeubles. TR

Des grues, des échafaudages et du béton. Encore très vert il y a quelques mois, le quartier des Allières, qui longe la route de Chêne, en Ville de Genève, s’est transformé en gigantesque chantier. La maison de l’Arc, que plusieurs associations ont essayé de préserver en vain, a cédé sa place à des immeubles en construction.

Il s’agit de deux bâtiments d’une douzaine d’étages, composés d’une centaine d’appartements. Des constructions qui se voient de loin et modifient la ligne d’horizon. On les aperçoit notamment depuis l’autre rive, par exemple aux Bains des Pâquis.

«Quelle ville pour nos enfants?»

Au pied des futures tours la grogne monte. «C’est rageant de voir ça. Avant, ici, il y avait une âme et beaucoup d’arbres, mais c’est en train de disparaître avec ce béton. Quelle ville allons-nous laisser à nos enfants?», demande tristement Christine, habitante du quartier.

Un constat partagé par l’association SOS Patrimoine CEG, qui milite pour préserver les bâtiments historiques et les arbres en ville. «Nous considérons que la disparition de la forêt des Allières et des villas qui s’y trouvaient est une perte sèche pour Genève sur le plan historique, architectural et naturel», tonne Leila el-Wakil, membre de l’association. D’après SOS Patrimoine CEG, ces constructions devraient être repensées, notamment face aux défis du réchauffement climatique. «Dans dix ans, il y a fort à parier que les critiques seront unanimes à reconnaître l’absurdité et l’obsolescence de l’entassement de logements au détriment d’une zone de verdure centenaire», prévient la militante.

«Avec le prétexte du manque de logements et ces constructions qui se multiplient, on finit par vendre le territoire genevois à l’économie. Et c’est la population genevoise qui en paye les conséquences», accuse Miguel Bueno, un autre membre de l’association. «Les blocs sont-ils vraiment le patrimoine de demain?»

Besoin de logements

De leur côté, les autorités cantonales défendent le projet et informent que les nouveaux immeubles ne seront pas plus élevés que les autres édifices du quartier. «A Genève, le manque de logements reste un des problèmes majeurs. Nombreux sont d’ailleurs les résidents contraints de partir s’installer dans le canton de Vaud ou en France. La croissance de la population renforce encore cette situation», rappelle Ariane Widmer, urbaniste cantonale.

Autre argument: construire la ville en ville. «Aujourd’hui, on ne veut plus urbaniser les zones agricoles. Il faut donc trouver des endroits dans la cité, proches des transports en commun, et c’est précisément ce que nous faisons ici», commente Ariane Widmer. L’urbaniste se montre optimiste quant à l’avenir du quartier. «Les villes appréciées sont celles qui sont vivantes et animées, avec des quartiers apaisés d’un point de vue du trafic, comme c’est le cas par exemple à Barcelone», conclut-elle.

«Une fois le chantier débuté, c’est trop tard»

«Nous n’avons pas de position prédéfinie sur la question des gabarits d’immeubles», explique de son côté Anaïs Balabazan, déléguée à la communication pour le Département de l’aménagement, des constructions et de la mobilité en Ville de Genève. La Municipalité estime que l’évaluation doit se faire au cas par cas, en fonction du projet et du contexte (existence d’espaces de dégagements, proximité d’autres constructions, desserte etc). Et de rappeler que la Ville s’est parfois opposée à des surélévations d’immeubles, car elles péjoraient selon elle les «conditions d’habitabilité» des logements.

Aux yeux des autorités municipales, il est particulièrement important qu’en cas de hauteur «dépassant ostensiblement les dispositions légales», le projet soit connu préalablement par le Conseil municipal et la population au moyen d’une enquête publique, ce qui a été le cas aux Allières. «Le quartier a fait l’objet d’un plan localisé de quartier (PLQ), qui à l’issue d’une première enquête publique a reçu un préavis favorable du Conseil municipal le 23 novembre 2011», souligne la déléguée à la communication.

«La réaction des riverains est tout à fait compréhensible, mais pour pouvoir intervenir au bon moment du processus, ils doivent être attentifs au moment des enquêtes publiques. Une fois le chantier débuté, c’est trop tard», prévient Anaïs Balabazan.