«Mon objectif: doter le Canton d’un budget en 2023»

INTERVIEW • Grâce au vote des crédits supplémentaires, l’Etat décroche (enfin) davantage de moyens pour 2022. La grande argentière Nathalie Fontanet regarde déjà vers 2023.

  • Nathalie Fontanet, ministre des Finances. CHRISTIAN BONZON

    Nathalie Fontanet, ministre des Finances. CHRISTIAN BONZON

Ça y est, bon an mal an, Genève décroche des moyens supplémentaires pour 2022. Et ce grâce au vote, mercredi 2 mars, de crédits par la commission des finances. Un arbitrage qui faisait suite au refus du projet de budget en décembre 2021. Au final, ce sont 211,7 postes qui ont été accordés et près de 143 millions de crédits. L’occasion de faire le point sur la situation financière du Canton mais aussi d’évoquer l’impact éventuel de la guerre en Ukraine. Interview de la grande argentière, Nathalie Fontanet:

GHI: Finalement, on n’est pas loin du projet de budget 2022, tout ça pour ça...
Nathalie Fontanet:
On s’en rapproche en effet. De nombreux crédits supplémentaires sont liés à des crédits transversaux, tels que l’annuité pour 2022 (ndlr: 38,6 millions). Le principe est le suivant: le Conseil d’Etat fait une proposition de budget, ensuite, c’est au parlemnent de l’accepter ou non. Il s’agit du vote le plus important du Grand Conseil. Le Conseil d’Etat ne peut que prendre acte de son refus.

– Dommage d’avoir perdu plusieurs mois en 12e provisoires. A qui la faute? Au Grand Conseil? Au MCG qui vient de retourner sa veste? Ou au Conseil d’Etat qui n’a pas su convaincre?
Aujourd’hui c’est la mode de prendre des échecs à titre personnel. Si cela fait plaisir, j’accepte volontiers celui-là! Le projet de budget n’a pas su convaincre. Nous avions renoncé à présenter un nouveau projet de budget, faute de majorité sur ses contours... Une délégation du Conseil d’Etat a rencontré les députés dès début 2021. On n’a pas réussi à trouver un accord... J’aurais aimé avoir une baguette magique, malheureusement, ce n’est pas le cas. La situation est maintenant réglée pour 2022. Il va falloir s’atteler à la suite. Mon objectif: essayer de doter le Canton d’un budget en 2023. Pour cela, je souhaite approcher les partis très tôt et les entendre sur leurs attentes.

– Comment cela se présente-t-il?
Je crains fort que ce projet de budget ne soit encore plus difficile à obtenir que le précédent. 2023 est une année d’élection. Le Conseil d’Etat a changé de majorité. La droite ne se sent plus représentée si tant est qu’elle se soit sentie un jour représentée par le Conseil d’Etat. La gauche, elle, attend un signal de cette majorité. S’ajoute le fait que les majorités ne sont pas les mêmes au Conseil d’Etat qu’au Grand Conseil...

– Avant le PB23, viendront les comptes 21. Comment cela se présente-t-il?
La dette est toujours aussi importante? Rendez-vous le 31 mars, date à laquelle l’ensemble des réponses à vos questions sera communiqué.

– Et quel est l’impact de la crise en Ukraine sur les finances de l’Etat?
J’aimerais beaucoup avoir une boule de cristal pour le savoir. Il est impossible pour le moment de se prononcer. Ce qu’on sait c’est que cela pourrait éventuellement avoir des répercussions pour certaines entreprises et leur activité et donc sur les revenus fiscaux.

– En plus des Finances, vous êtes à la tête de la direction des affaires internationales (DAI), quand on voit ce qui se passe aujourd’hui, on peut penser que le sommet Biden-Poutine, le 16 juin 2021, n’a servi à rien. C’est le cas?
On ne peut jamais dire que ça n’a servi à rien. Cela n’a manifestement pas été suffisant. Toutefois, le rôle du Canton de Genève est de proposer ses bons offices en tant qu’Etat hôte, d’œuvrer pour la paix et de rester un lieu privilégié pour accueillir de telles délégations. Il nous appartient aussi de venir en aide aux populations victimes de la guerre, notamment en augmentant notre soutien auprès d’associations qui sont actives sur place.

Egalité salariale hommes-femmes à l’Etat

DISCRIMINATION • Le 8 mars, c’était la Journée internationale des droits des femmes. L’occasion de revenir sur cette thématique avec Nathalie Fontanet, également chargée de la promotion de l’égalité.

– Qu’est-ce que la Canton a mis en place en faveur de l’égalité hommes femmes? Une carte moins 20%?
Pas de carte. Cela dit, c’est un sujet qui me tient à cœur. Tout d’abord, on a eu le premier résultat de l’analyse de l’égalité des salaires à l’Etat de Genève, conformément à la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg). Cet audit montre qu’il n’y a pas de discrimination salariale entre les hommes et les femmes travaillant au sein de l’administration. Par ailleurs, il y a un an et demi, a été déposé le projet de loi visant à assurer une parité dans les conseils d’administration des entités sous la responsabilité du Conseil d’Etat. Il est en cours de traitement auprès de la commission législative du Grand Conseil.

– Y a-t-il toujours une différence pour l’accès des femmes aux postes à responsabilité?
Il y a toujours un biais. Au niveau suisse, il y a 28% de femmes au sein des conseils d’administration et cette proportion descend à 18% pour ceux des entreprises les plus importantes. Quant aux fonctions dirigeantes, on est à 13%. Au sein de l’Etat de Genève, le taux de femmes cadres est proche de 40%. Le congé maternité reste source de discrimination à l’embauche de jeunes femmes.

– De quelle manière cela joue-t-il?
Dans certaines entreprises, entre une femme qui prend un congé maternité de 16 semaines et un homme qui en a deux, le choix de l’employeur est vite fait. Je suis favorable à ce que le congé pour le père soit plus étendu. Cela modifierait profondément la donne.

– Vous aviez aussi lancé un kit sur le sexisme et le harcèlement au travail. Ça fonctionne?
Nous avons en effet lancé un e-learning qui a été distribué au sein de l’administration mais aussi, gratuitement aux entreprises, aux communes. L’objectif étant que plus personne ne puisse dire: «Je ne savais pas ... Je ne savais pas que si je siffle une collaboratrice quand elle entre dans le bureau, ce n’est pas adéquat.» Ça ne signifie pas qu’on ne peut pas aller boire un café entre collègues mais il est capital de rappeler la notion de consentement.