En ce dimanche, il est tout juste midi. A l’intérieur des locaux de la paroisse Sainte-Clotilde, les tables sont déjà bien occupées. Il y a là des familles avec enfants ou bébés, des groupes d’hommes aux traits tirés, des femmes et des messieurs âgés. On parle portugais, arabe ou encore bulgare... «Le repas va bientôt être servi. On les a laissés s’installer pour qu’ils ne patientent pas dehors dans le froid», commente Sandra Golay, présidente de la paroisse de Sainte-Clotilde, qui organise et finance les dimanches solidaires.
Aux côtés de la paroisse, œuvre l’association Caravane sans frontières qui avait lancé le concept en janvier 2020. L’objectif: offrir des repas aux plus précaires tous les dimanches. A 13h, s’ajoute un vestiaire solidaire. Par petits groupes, on pénètre dans la salle à la recherche d’un manteau chaud ou d’une paire de chaussures.
Chili con carne et riz
Pendant ce temps, en cuisine, une équipe de bénévoles s’active. «Ils commencent à préparer la veille», stipule Silvana Mastromatteo, présidente de la Caravane sans frontières. Au menu: chili con carne avec du riz. «Le repas est servi à table. On veut que les bénéficiaires se sentent accueillis. Après, s’ils le souhaitent, ils peuvent rester jusqu’à 16h30. Plus que de la nourriture, c’est un moment de chaleur humaine!», poursuit-elle.
Comme lors des distributions de colis aux Vernets durant la crise Covid, à Sainte-Clotilde, tout est réglé comme du papier à musique. Au rez, une trentaine de bénévoles assurent l’accueil et le service. Au sous-sol, les vêtements, chaussures, produits d’hygiène, jeux pour enfants ainsi que des tentes sont triés et rangés en vue d’être redistribués. Tout vient de dons privés.
Et comme durant la crise Covid, Silvana Mastromatteo est inquiète. «En 2021, les autorités ont demandé une étude. Elle a révélé la présence de 730 sans-abri à Genève. Or, il n’y a que 550 places d’hébergement. Qui plus est, ils sont plus nombreux aujourd’hui.» Et la présidente de la Caravane d’ajouter: «On dépense de l’argent pour une étude au lieu de financer des places! On nous répond qu’on ne veut pas créer un appel d’air mais la situation est ce qu’elle est. Et les gens dorment dans le froid!»
Inflation en cause
Tel est le constat qui ressort, selon elle, des maraudes sur le terrain. «La Caravane n’a pas vocation à entretenir la précarité, renchérit-elle. Mais, elle est là. Comme partout dans le monde. Notre rôle est de donner l’alerte. Comme nous l’avons fait au début de la crise Covid.»
Or, elle estime que la situation devient de plus en plus critique. «Dimanche dernier, nous avons servi plus de 200 repas. Il y a des sans-abri mais aussi des working poor (travailleurs pauvres). Aujourd’hui, ils représentent environ la moitié des bénéficiaires.» En cause à en croire leurs témoignages: l’inflation et l’instabilité du marché du travail.
«Ils nous expliquent qu’une fois le loyer payé, ils n’ont plus les moyens d’acheter à manger. Et que les colis du cœur ne suffisent pas pour tenir toute la semaine», explique à son tour Sandra Golay.
En parallèle des actions dominicales, des maraudes sont prévues durant les nuits les plus froides. «Heureusement, la Ville a redéclenché le plan grand froid samedi 28 janvier (ndlr: soit 80 places supplémentaires dans un abri PC à Champel). Il était temps! Seulement voilà, il n’a duré que deux nuits», lance Silvana Mastromatteo avant de repartir au front.