Des barrières, des engins de chantiers, de la poussière et du bruit. A quelques mètres seulement du restaurant Baoti, près de la gare Cornavin, des travaux de rénovation donnent du fil à retordre à la patronne, qui ne décolère pas. «Ça faire fuir les clients! A cause de ces travaux, on perd beaucoup d’argent. Ce n’est pas normal», désespère Tu Tengyifang. Même chose à quelques pas de là, dans un commerce préférant rester anonyme, où l’activité a été arrêtée pendant quelques mois en raison d’une rénovation. Ici, le patron enregistre une baisse de 40% de son chiffre d’affaires. Il a été contraint de licencier plusieurs employés, notamment en raison d’une imposante palissade presque accolée à sa terrasse. «C’est un manque de respect. Si ça continue, je vais finir par mettre la clé sous la porte.» Loin d’être isolés, ces deux cas sont révélateurs d’une réalité: aux quatre coins de la ville, les chantiers gênent l’activité des commerçants et des cafetiers.
Autre quartier, même réalité: aux abords de Plainpalais, les marteaux-piqueurs sont, là aussi, légion. Sur la rue des Rois, c’est un chantier mené par la Ville qui provoque des nuisances. A la rue de Carouge et à Champel, on relève tout juste la tête après de longs travaux alors qu’à l’avenue du Mail, on se prépare à accueillir un réaménagement de taille pour végétaliser l’artère et favoriser la mobilité douce et les transports publics.
Chaque fois, on déplore le manque d’information, de considération et de concertation. Pour l’avenue du Mail, seul un courrier annonçant une séance d’information a pour l’heure été envoyé. «Ils se contentent de nous donner une lettre, sans nous demander notre avis. Pourtant, c’est nous qui faisons usage de ces lieux pour accueillir notre clientèle», regrette Antoine, le patron du Street Beirut, qui donne sur la plaine. S’il souhaite rester optimiste, il déplore le fait de n’avoir pas été sollicité. «J’aurais voulu davantage m’impliquer. Aujourd’hui, je suis inquiet pour la suite. J’espère que ma terrasse ne sera pas déplacée et qu’on laissera des places de livraison!»
Perte de clientèle
Des inquiétudes qu’on retrouve rue des Rois, en chantier depuis près de 18 mois. Alors qu’ils touchaient au but, les travaux seront finalement prolongés pour implanter des arbres, comme l’a révélé 20 minutes jeudi 1er juin. «Tout cela a un impact négatif pour notre magasin, témoigne Jean-Christophe Saurel, à la tête d’un atelier de scooter. La Ville se contente de nous annoncer la reprise du chantier. Ce n’est pas normal!» Le patron plaide pour une meilleure communication, par exemple en améliorant le lien entre les professionnels et les autorités. «Ce serait vraiment positif. Aujourd’hui, nous ne savons pas toujours à qui nous adresser.»
Son voisin, le patron du restaurant l’Echalotte confirme: «Ces travaux nous impactent durement. On devrait davantage nous prendre en compte, surtout après deux ans de Covid. J’espère que l’attente en vaudra tout de même la peine et que ce sera mieux qu’avant!».
Pas si sûr. A Champel, par exemple, si les travaux de la gare sont bel et bien terminés, la colère, elle, est toujours présente. «Après huit ans de travaux, une partie de notre clientèle n’est pas revenue. On a aussi supprimé les places de parkings devant mon commerce et utilisé du béton inadapté. Désormais, c’est une fournaise!», désespère Didier, patron de la boulangerie Billaudel, qui donne sur la gare de Champel. Autre problème: l’absence de dédommagements de la part de la Ville. «Ce n’est pas faute d’avoir essayé, mais au final on n’a rien eu. On a le sentiment qu’à Genève, on fait tout pour embêter ceux qui travaillent», conclut-il.
Heureusement tout n’est pas si sombre. Rue de Carouge, on semble davantage satisfait des travaux. «C’est plus propre et plus accueillant. Je préfère le quartier comme ça, même si les travaux ont été un peu longs», assure un buraliste.