Fuyez les amis!

PRESSE • Il ne faut jamais écouter les politiciens lorsqu’il est question de liberté d’expression, notamment de liberté de la presse. Ils peuvent signer tous les manifestes qu’ils veulent, d’ailleurs souvent pour des causes fort lointaines, où leur engagement ne relève pas d’un courage bien singulier, ils ne sont pas crédibles.

Pourquoi? Parce que votre liberté d’expression, votre «ton décalé», votre capacité de transgression, ils n’en chanteront les louanges que s’ils vont dans leur sens. La gauche en a la spécialité: vous défendez leur cause, ils vous trouvent génial; si par aventure il vous arrive d’en embrasser une autre, vous voilà leur ennemi. Ce qu’ils aimaient en vous, ça n’était donc ni votre plume, ni votre distance, ni l’acuité de votre regard. Non. C’était votre capacité à épouser leurs formes, entrer dans leurs moules. Tenir leur discours de paroisse. Baiser leur autel.

Aux jeunes journalistes, aux graines d’éditorialistes, je dis: allez-y, exprimez-vous, foncez, n’ayez pas peur. Mais surtout n’imaginez pas avoir des amis. Ni chez les politiciens, ni chez vos pairs. Vous ne devez compter que sur vous-mêmes, vous aurez mal, vous ferez mal. Quand on embrasse la carrière des armes, on ne va tout de même pas se plaindre que l’adversaire réplique. Tout au plus pourrez-vous relever – je vous y encourage – la bassesse (s’il y a lieu) de ses attaques, sa capacité à se liguer à cent contre un pour avoir votre peau. Ne vous en plaignez pas, c’est le jeu. Continuez d’écrire. Ou de parler. Mais n’attendez rien de personne. Si ce n’est des mystérieuses profondeurs de votre solitude.