La victoire des droites genevoises

ELECTIONS FEDERALES • Pour la législature 2015-2019, la délégation genevoise au National sera composée de sept élus de droite, quatre de gauche. Victoire, donc, pour les premiers. Mais quelle droite? Dans l’enjeu majeur, les bilatérales, leurs votes s’annuleront.

  • Les Genevois se sont déplacés en nombre dimanche 18 octobre, à Uni Mail. BD

    Les Genevois se sont déplacés en nombre dimanche 18 octobre, à Uni Mail. BD

«Il faudra bien que Genève se remette à exister puissamment à Berne»

Pascal Décaillet

A Genève comme sur l’ensemble de la Suisse, les élections fédérales du 18 octobre marquent un très net virage à droite. A Genève comme au niveau national, l’UDC obtient un très bon résultat, maintenant ses deux élus, Céline Amaudruz et Yves Nidegger. Le MCG reconduit son conseiller national sortant, Roger Golay. Le PLR retrouve son troisième siège des grandes années, faisant réélire Christian Lüscher et Hugues Hiltpold, et envoyant aussi au National l’étoile montante du parti, Benoît Genecand. Le PDC garde le siège de Guillaume Barazzone, qui continuera les incessantes navettes ferroviaires entre son poste à la Chambre du peuple et celui à l’exécutif de la Ville de Genève. Faites l’addition: sept élus de droite sur les onze de notre délégation au National, la victoire est sans appel, elle confirme la tendance esquissée lors de l’élection du Grand Conseil, en octobre 2013.

Et la gauche

A gauche, plus que quatre élus. Tout d’abord, Lisa Mazzone. Faisant fi des jalousies internes à son parti (dont certaines, aussitôt après son élection, se sont manifestées avec bien peu de grâce), la nouvelle figure de proue des Verts genevois décroche à 27 ans un siège obtenu grâce à son courage, sa ténacité, la clarification de sa ligne aussi, après l’étrange, l’illisible législature cantonale 2009-2013, celle des passerelles et des convenances, des petits silences obtenus contre honneurs et prébendes. Voilà une jeune femme qui n’a peur ni des mots ni du combat, elle pourrait bien faire assez vite sa place sous la Coupole. Chez les socialistes, réélection des deux sortants, Carlo Sommaruga et Manuel Tornare, et arrivée de Laurence Fehlmann-Rielle, infatigable militante, fort bien cotée à l’interne de son électorat. Quant à Ensemble à Gauche, qui a fait une excellente campagne, nous a présenté les visages d’une nouvelle génération politique, ils ne parviennent pas à «entrer», comme on dit.

Les droites genevoises

A droite toute, donc. Reste un paradoxe: sur les sept élus de la droite genevoise, il y aura certes bien des convergences, en matière fiscale et financière notamment, mais sur la pomme de discorde majeure de la législature 2015-2019, l’avenir des bilatérales, les quatre élus de l’Entente (PLR, PDC) défendront la libre circulation, et les trois de la Nouvelle Force (UDC, MCG) en principe non. Là aussi, Genève délivre le même message que l’ensemble du pays: la droite en tête, mais dans ses composantes antagonistes quant à l’enjeu suprême de nos relations avec l’Union européenne. Il nous faut donc parler, au pluriel, d’une victoire «des droites genevoises», le 18 octobre.

Jouer en équipe

Reste à savoir si ce «Onze genevois» sera davantage capable que par le passé, à Berne, de jouer en équipe, sur les dossiers relevant des intérêts supérieurs de Genève. Fiscalité entre les cantons, transports. Et puis, l’essentiel: faire émerger, au moins, une ou deux figures. Pas seulement pour défendre son parti, ni même son canton. Mais pour incarner les valeurs profondes de la Suisse. Un tel miracle est évidemment rare. Combien en ai-je connus, depuis ma naissance? Disons le socialiste bâlois Tschudi, le PDC saint-gallois Furgler, le radical vaudois Delamuraz. Pour nos onze, la seule citation de ce trio, c’est placer la barre bien haut. Et pourtant, il faudra bien que Genève se remette à exister puissamment à Berne, autrement que dans la défense d’intérêts sectoriels. Vaste programme, j’en conviens.