Gauche en Ville: fini de rire!

DÉLIBÉRATIF • En Ville de Genève, la gauche, vêtue d’un lin blanc de morale, n’en peut plus de hurler. Il n’y a pourtant pas de quoi. Elle a juste, d’ici 2020, perdu ce qui lui restait de majorité. Cela est très banal. Et s’appelle l’alternance.

  • Carlos Medeiros élu, le mardi 2 juin, 1er citoyen de la Ville de Genève. C’est la première fois qu’un élu MCG occupe la présidence du délibératif de la Ville de Genève. DAVID ROSEMBAUM-KATZMAN

    Carlos Medeiros élu, le mardi 2 juin, 1er citoyen de la Ville de Genève. C’est la première fois qu’un élu MCG occupe la présidence du délibératif de la Ville de Genève. DAVID ROSEMBAUM-KATZMAN

«Il faut, une fois pour toutes, en finir avec le slogan ni gauche, ni droite du MCG»

Pascal Décaillet

Après avoir fait la pluie et le beau temps pendant plusieurs législatures en Ville de Genève, la gauche va devoir sérieusement ronger son frein dans les cinq ans qui viennent. Oh, à l’exécutif (Conseil administratif), elle demeure nettement majoritaire, avec quatre magistrats sur cinq. Mais au délibératif (Conseil municipal), c’est une autre affaire: la tendance entamée lors de la législature précédente se renforce, et du coup, droite + MCG totalisent 43 sièges sur 80. Donc, le pouvoir. Du coup, le PDC, le PLR, l’UDC et le MCG ont en quelque sorte formalisé leur union, annonçant un programme commun de législature, accueilli par des huées du côté de la gauche, et par un malaise au sein du PDC cantonal. A sa manière, au Municipal de la Ville, est née cette fameuse «droite élargie» dont nous parlons ici depuis des années. Elle a pour effet d’exaspérer la gauche, ce qui est d’ailleurs son but.

Gauche droite, droite gauche?

Cette plateforme appelle plusieurs commentaires. D’abord, il faut, une fois pour toutes, en finir avec le slogan «ni gauche, ni droite» du MCG. Ce dernier est clairement un parti de droite. Avec une composante sociale, populaire (ou populiste, comme on voudra), un fumet de rue et de faubourgs. Mais de droite. Sur la grande majorité des sujets (ceux du programme commun, justement), il est du même bord que les partis de l’Entente (PLR + PDC) et aussi, bien sûr, que de l’UDC. Finances. Investissements. Budget. Il n’y a donc rien d’incongru à ce qu’il fasse un bout de chemin, sur ces thèmes-là, avec ses partenaires de droite. Il demeurera en désaccord avec l’Entente sur la préférence cantonale, mais enfin ce dernier sujet n’étant pas a priori d’ordre municipal, la plateforme commune est jouable.

Fini le confort

Alors, bien sûr, la gauche s’arrache les yeux. Drapant son discours sous le paravent de la morale (c’est juste si elle ne nous fait pas le coup des dernières semaines de la République de Weimar), elle hurle à la forfaiture. Elle pourra évidemment crier tant qu’elle voudra, personne ne la prendra au sérieux, tant elle a profité elle-même, ces deux dernières décennies, de majorités de confort en Ville de Genève. Ce qui se passe, cette fois, c’est simplement l’alternance, cela se produit dans toute bonne démocratie, sur la planète.

Tiraillements

Restent les tiraillements au sein du PDC cantonal. Il est vrai que le président, Sébastien Desfayes, a toujours exclu les alliances sur la droite de l’Entente. Eh bien, il appartiendra à ce parti de gérer la nouvelle situation, nous verrons bien comment. Enfin, il ne faut pas s’imaginer que la nouvelle majorité, avec ses 43 voix, régnera sans partage. Il y aura peut-être une lune de miel, mais la prochaine grande échéance, sur un sujet lourd, sera celle du budget 2016, après la pause d’été. Et il n’est pas dit que les fiancés d’aujourd’hui parlent demain le même langage. Mais enfin, si cette nouvelle donne pouvait au moins calmer un peu l’ardeur de toutes ces dizaines «d’associations», qui considèrent comme un dû inaltérable les subventions qu’elles reçoivent chaque décembre, elle aura servi à quelque chose. Lorsque la droite + le MCG réclament une mise à zéro des compteurs, et de la machine à distribuer les prébendes, il est difficile de lui donner complètement tort.