Vous prendrez bien un dernier vert?

CONSEIL DES ETATS • A Genève, on vote moins pour les Verts. Mais, lorsqu’il s’agit de reconduire Robert Cramer pour 4 ans aux Etats, on le fait sans hésiter! Paradoxe. Où s’affirme le primat de la carte «personnelle» sur celle de l’appartenance politique.

  • Liliane Maury Pasquier et Robert Cramer ont largement gagné. DR

    Liliane Maury Pasquier et Robert Cramer ont largement gagné. DR

«C’est une vraie victoire, sans appel»

Pascal Décaillet

Les Verts: un parti qui chemine, depuis des mois, de défaite en défaite. Grand Conseil, octobre 2013: Bérézina. Conseil national, octobre 2015: perte d’un siège. Au niveau suisse, n’en parlons pas: les Verts sont les grands perdants des élections fédérales du 18 octobre. Malgré cela, ce parti chancelant s’est payé le luxe, dimanche 8 novembre, de reconduire l’un des siens, Robert Cramer, au Conseil des Etats, à côté de la socialiste Liliane Maury Pasquier. Et même pas de justesse: l’avance de Robert Cramer sur Benoît Genecand, le candidat de l’Entente, est confortable: 4639 voix d’écart. C’est une vraie victoire, sans appel. Nul ne saurait la contester. Et même si la division à droite y est pour beaucoup, il n’est pas sûr qu’elle explique tout: les petites cuisines des états-majors, comme l’affaire de l’invitation à prendre un café, au sein de la droite, le lundi 19 octobre 19h, ne jouent sans doute pas un si grand rôle sur le vote des gens.

Un personnage du terroir

Alors, quoi? Les Genevois votent moins pour les Verts, comme d’ailleurs les Suisses en général. Mais, le jour où ils sont confrontés à un scrutin de type majoritaire à deux tours, sur lequel d’éminents représentants de partis plus puissants viennent se casser les dents, les Verts réussissent à placer l’un des leurs. C’est l’un des paradoxes de la politique. On peut échouer dans une élection proportionnelle (les Verts ont perdu, le 18 octobre, l’un de leurs deux sièges au National), et néanmoins gagner, trois semaines plus tard, dans un scrutin autrement difficile. Pour réussir ce tour de force, le candidat Cramer, rusé comme aucun autre entre Palerme et le Cap Nord, n’a cessé d’insister, dans la campagne du second tour, sur l’aspect «personnel» de l’élection aux Etats. Pour un peu, il faisait oublier qu’il était Vert! L’homme est aimable, roublard, très habile: d’ailleurs, des gens de droite votent pour lui. Parce qu’il fait partie du paysage. Du terroir.

Centré sur sa personne

Le procédé est redoutable: faire passer l’homme, son liant, sa «capacité à rassembler» (je cite sa propre nomenclature de propagande) avant la dureté des faits: Robert Cramer se trouve être l’un des conseillers aux Etats les plus à gauche. Vous me direz que dans cette Chambre-là, on est très vite à gauche, quand on a face à soi les redoutables lobbyistes des Caisses maladie, ou d’autres groupements d’intérêts économiques, j’en conviens. Mais surtout, revenons à cette manière de faire de la politique: tout centrer sur sa «personne», le temps d’une élection majoritaire, en évitant de trop s’appesantir sur son étiquette politique. Les esprits les plus favorables à M. Cramer viendront évoquer les lumières du «personnalisme» et la grande figure d’Emmanuel Mounier. D’autres, plus sceptiques, plus réalistes aussi, ne manqueront pas de parler de «populisme». Eh oui, un bon vieux populisme, ni de droite, ni vraiment de gauche, mais du terroir et des apparences de bienveillance.

En attendant, soyons bons joueurs. M. Cramer a gagné. Mme Maury Pasquier aussi, largement. Souhaitons-leur le meilleur pour défendre, pendant quatre ans, les intérêts supérieurs de Genève à la Chambre des Cantons. Lire également en page 9