En allant voter, les expatriés pourraient être piégés par leurs fiscs

ÉLECTIONS AMÉRICAINES • Les Américains de Genève s'inquiètent du nouveau bulletin de vote en ligne. Des informations personnelles y sont demandées. Elles pourraient être utilisées par les fiscs des Etats.

  • Une case dans le formulaire de vote des expatriés américains fournit de nouvelles armes aux fiscs des Etats.

    Une case dans le formulaire de vote des expatriés américains fournit de nouvelles armes aux fiscs des Etats.

«Avez-vous l'intention ou non de rentrer aux Etats-Unis?» Cette question inédite se trouve dans le nouveau bulletin de vote destiné aux expatriés américains. En ligne depuis cet été en vue des élections présidentielles du 6 novembre, cette nouvelle case du formulaire soulève une polémique au sein des quelque 5000 Américains vivant à Genève. La raison? La façon dont les Etats américains pourraient utiliser ces nouvelles données, qui donnent des renseignements sur le statut fiscal des citoyens.Depuis le durcissement de la loi américaine sur la taxation du revenu en 2008, la Maison-Blanche fait tout son possible pour tenter de récolter de l'argent auprès de ses citoyens expatriés. Ce qui n'empêche pas le Federal Voting Assistance Program (FVAP), l'organe fédéral chargé des votes de l'étranger, d'affirmer que «préciser qu'on a l'intention ou non de rentrer au Etats-Unis n'a aucune incidence sur le statut du citoyen.»

Double impôts

Qui doit donc se méfier de ces nouvelles indications demandées par les Etats-Unis? «A priori, les expatriés ayant l'intention de rentrer au pays. Mais pas seulement, affirme Roland Crim, porte-parole des American Citizens Abroad (ACA), association de défense des expatriés américains. La terminologie employée dans le nouveau formulaire reprend certains textes de lois fiscales. La nouvelle case du formulaire de vote permet aux États américains d'établir un faisceau d'indices personnels liant les contribuables à leurs gouvernements... Ce qui pourrait justifier l'envoi d'une notification fiscale. Peu importe s'il s'agit d'une personne qui vit à l'étranger depuis des décennies.»Cette réalité révolte Edward Flaherty, président des Republicans Abroad. L'avocat domicilié à Genève depuis 18 ans, voit dans le nouveau formulaire un énième moyen de faire pression sur les expatriés, nationaux, selon lui, mal-aimés de la Maison-Blanche: «Certains payent déjà leurs impôts dans deux pays. Comment peut-on règler les factures dans ces conditions?»

Peine pénale

Autre bémol: le risque de poursuites pénales – pouvant aller d'une petite amende à un emprisonnement – pour un expatrié qui déciderait de rentrer au pays après avoir affirmé le contraire. «Le formulaire prend la forme d'une déclaration signée sous peine de parjure, précise Roland Crim. Un changement d'avis pourrait donc entraîner des sanctions pénales.» Un alarmisme que ne partage pas Maya Samara, présidente des Democrats Abroad: «Il ne faut pas dissuader les expats américains de voter avec des discours qui font peur, insiste-t-elle. Personnellement, je ne crains pas une augmentation de mes impôts américains suite à l'envoi de mon bulletin de vote. Je ne crains pas non plus de me faire arrêter. La majorité des expatriés américains ne doivent pas d'argent au fisc.» Et M. Crim de préciser: «Dans 91% des cas, les déclarations fournies par les contribuables vivant à l'étranger n'apportent pas un centime au trésor américain, certes. Mais dans tous les cas, pour être exonéré, il faut entreprendre des procédures légales qui peuvent facilement coûter quelques milliers de francs.»