«Tous les éléments étaient réunis pour condamner les chauffards pour meurtre!»
Saïd, frère d’Aziz
«La justice nous a craché dessus, mais aussi sur la tombe de notre frère!» Saïd est au bord des larmes, la rage au ventre. Avec sa mère et son frère, ils ont reçu deux gifles successives après les sentences prononcées en 2015, dans l’affaire du rodéo routier mortel de Vernier. Rappel des faits: Aziz, 28 ans, agent de sécurité, est mort carbonisé dans sa voiture en 2012, victime de deux chauffards lancés à toute vitesse route de Vernier, lors dune course-poursuite (lire-ci dessous).
Petite peine
Dans ce procès, la Chambre d’appel n’a retenu que l’homicide par négligence et condamné les chauffards à une peine de 3 ans, dont 2 ans et demi avec sursis. En définitive, ils ne passeront que 6 mois derrière les barreaux…
Injustice
«C’est une injustice, un scandale! tonne Saïd. Il y avait pourtant tous les éléments permettant de qualifier ces actes de meurtre par dol éventuel et non pas de simple homicide par négligence! Imaginez le ressenti, le dégoût de ma mère et de mon frère…»
Saïd insiste: «Un des chauffards était ivre, sous influence de cannabis, l’autre est un récidiviste des excès de vitesse. Tous deux ont pris le volant et ont roulé à tombeau ouvert! Et les juges nous disent aujourd’hui que ce ne sont pas des meurtriers! De qui se moque-t-on?» Et d’appuyer: «Cela revient à dire qu’à Genève, on peut faire une course-poursuite dans cet état, avec des pointes à plus de 120 km/h, tuer un innocent et rester presque impuni. C’est choquant.»
Berne plus sévère
Pire, en apprenant que des juges bernois ont osé, de leur côté, condamner deux chauffards à 7 ans d’enfermement pour une course-poursuite mortelle – un piéton avait été mortellement fauché par les bolides de chauffards –, la famille de Saïd estime que la décision des juges genevois est inadmissible.
Et pourquoi le qualificatif de meurtre par dol éventuel n’a-t-il pas été retenu? Les juridictions genevoises ont considéré que «sur la route de Vernier, à l’endroit du choc, on peut très bien rouler à 120 km/h sans encombre. Dès lors, l’accident mortel n’est pas une suite logique et inévitable des infractions commises sur la route.»
Ce verdict est si choquant que Me Robert Assaël, défenseur de la famille, a annoncé vouloir recourir au Tribunal fédéral (TF): «C’est un cas d’école de course-poursuite, appuie l’avocat. Combien de morts faudra-t-il encore pour que les juges répriment vraiment ceux qui méprisent autant la vie d’autrui, confondant la route avec un circuit de F1? Pour ces chauffards, la voiture devient une arme pour exprimer leur toute-puissance. Or, le permis de conduire n’est assurément pas un permis de tuer! Mes clients sont détruits et espèrent que le TF aura le courage de qualifier correctement les agissements des prévenus.»
Aucune condamnation
Pour sa part, le procureur Stéphane Grodecki, également déçu par le verdict, attend les considérants notifiés de la Chambre d’appel afin de se déterminer s’il va aussi saisir les juges fédéraux. De son côté, Henri Della Casa, porte-parole du Ministère public souligne: «A ce jour, aucune condamnation pour meurtre n’a été prononcée à Genève dans un cas de rodéo routier.» Et pourquoi, Zurich, Argovie et Soleure, appliquent-ils eux, depuis 2012, le meurtre? «Le dol éventuel est très rarement retenu car le juge doit examiner la volonté de l’auteur au moment des faits, détaille Henri Della Casa. Le juge doit donc, au moment du procès, examiner ce que pensait l’auteur au moment des faits. C’est particulièrement difficile.»