«La nouvelle petite musique de la politique genevoise, c’est la leur»
Pascal Décaillet
A Genève, une certaine droite s’est réveillée. Il faut dire qu’elle somnolait depuis pas mal de temps. Mais là, c’est fait! Forte de sa victoire électorale du 6 octobre 2013, avec ce Parlement où la gauche est reléguée à un tiers des sièges, une partie de la droite – nous allons voir exactement laquelle – n’a plus du tout envie de s’en laisser conter.
Alors, tous azimuts, elle lance des attaques. Décomplexée. Fière d’elle-même. En pleine forme. Au point qu’elle s’aventure parfois un peu vite, oubliant que la politique n’est pas affaire que d’héroïques sorties de tranchées, baïonnettes au canon, mais de stratégie à plus long terme. De plus, les thèmes des attaques tournent un peu trop autour du monde de la propriété et de l’argent. Ce qui donne à ces assauts des relents d’orléanisme, qui ne contribuent pas nécessairement à leur popularité.
Le pivot du centre
Sous la législature précédente, la droite, pourtant déjà très bien placée au Grand Conseil, était plus timide, moins affirmée, et surtout beaucoup trop alignée derrière le conseiller d’Etat François Longchamp, pour ne pas dire timorée.
Il ne fallait pas parler de «droite», toute la stratégie seigneuriale étant construite sur le pivot du centre. Avec même, parfois, l’active collaboration des Verts. Le ministre refusait tout regard à la droite de sa personne, se bouchant le nez à l’idée que pût exister la moindre plèbe populiste dans les bas quartiers de ses appartements.
Mais les choses ont changé, le curseur s’est déplacé, le PLR a perdu beaucoup de plumes, le MCG et l’UDC ont pris du poids. Alors, à l’intérieur du camp de droite, les tonalités ont changé. Aux Gueux de naguère, on s’est mis à parler beaucoup plus poliment.
Nouvelles figures
Nouvelle législature, nouvelles figures. Ils s’appellent Cyril Aellen (PLR), Ronald Zacharias (MCG), ils ont fait une entrée fracassante au Grand Conseil et multiplient les assauts. En matière de finances, de fiscalité, de logement, ils mènent le bal. Pas toujours avec succès au final, mais ils tiennent le diapason: la nouvelle petite musique de la politique genevoise, c’est la leur. Ainsi, dans la seule journée du mardi 25 mars, se bousculaient au portillon un projet de loi Aellen pour investir dans des logements d’utilité publique et des équipements, un projet de loi Zacharias pour faciliter l’accès à la propriété, et une motion du député UDC Christo Ivanov pour construire des logements sur l’éco-quartier de la Jonction. La droite, encore la droite, toujours la droite.
L’argent toujours l’argent
Pour la vitalité retrouvée, c’est bien. Mais attention aux erreurs de goût. Dans un débat télévisé face au socialiste Alberto Velasco, il n’est peut-être pas indispensable de sortir le lance-flammes pour carboniser l’adversaire, avant même qu’il n’articule un avis. Et puis, l’argent, toujours l’argent, les propriétaires, c’est sans doute propre à une certaine droite, disons celle de Guizot et des bonnes affaires, mais il en est d’autres, plus populaires, plus «cassoulet», et ce sont justement les légions de cette autre droite qui l’ont emporté le 6 octobre. On dira, pour faire court, que les étendards des assauts décomplexés pourraient se parer d’autres couleurs. Plus rassembleuses. Plus sociales. Et plus républicaines.