Qu'elle était Verte, ma volée!

  • La vraie nature politique d'Ueli Leuenberger est-elle d'être Vert ou d'extrême gauche?

Décidément, la Salle des Fêtes de Carouge devient le lieu de tous les conclaves. Il y a quelques semaines, les socialistes y choisissaient Anne Emery-Torracinta comme candidate au Conseil d'Etat. Ce samedi 21 avril, les Verts suisses y désigneront leur nouveau président. Ou leur nouvelle présidente. Ou leur nouvelle co-présidence. L'occasion, ici, de faire le point sur le rôle des Verts dans la politique suisse, et d'ailleurs aussi européenne, cette mouvance éternellement à la mode. Mais la mode, n'est-ce pas, par essence, ce qui se démode?

SOUVENIRS Voilà une bonne trentaine d'années qu'ils sont là. On se souvient des premiers pas, à Berne, d'un jeune conseiller national nommé Daniel Brélaz (1979). On se souvient des sabots de Laurent Rebeaud. Des combats héroïques des années 80 contre le nucléaire. De la première couverture de l'Hebdo (1981), sur Kaiseraugst. Des premiers élus dans les exécutifs, étonnamment accommodants, si bourgeois, si doux. Polis, cultivés, comme des fils de pasteurs! Ou alors, âpres politicards, noueux et retors comme de vieux ceps, radicaux vaudois des années soixante, les années Chaudet, déguisés en gentils révolutionnaires. Avant tout, désireux de grimpailler. Bobos, cyclistes en costard, mobilité douce, écoquartiers, compost, job-sharing, papas au foyer. Toujours si polis. Si lisses. «Non issus de la lutte des classes», se vantent-ils, comme si c'était un compliment. Epicènes. Etrangers au tragique de l'histoire. Comme si l'aventure humaine, avec eux seuls, commençait. Comme si rien, avant eux, nulle passion, nulle fureur, ne valait d'être retenue.COMBATTANT Ueli Leuenberger, président sortant, est l'un des hommes les plus aimables et les plus chaleureux de la politique suisse. Mais sa vraie nature politique est-elle d'être Vert, ou plutôt d'extrême gauche? De l'intérieur même de son parti, d'aucuns se posent la question. Un jour Climatique, le lendemain Energétique, Ueli le Polymorphe a dû embrasser bien des causes, jusqu'à mal les étreindre, pour persuader l'univers de son académique Verdeur. Il fut un président actif, disponible pour les médias, parfaitement bilingue, capable d'en découdre à l'émission de débat Arena. Un beau combattant politique, qui mérite le respect. Mais son legs? Ce parti, dont on nous promet tous les quatre ans l'explosion électorale, stagne désespérément, à Berne, au-dessous de la barre des 10%. Même au moment où Fukushima leur aurait donné des ailes. Se posent-ils la question de savoir pourquoi? Estiment-ils à sa juste mesure le danger concurrentiel des Verts libéraux? Voient-ils que la plupart de leurs thèmes leur ont été, au fil des ans, piqués par les autres partis? Eh oui, des partis qui, eux, ont une histoire. Et dont certains Verts avaient cru bon, par jeunisme, de railler le grand âge. Dans ces partis, il y a la bonne vieille démocratie chrétienne, avec à sa tête le flamboyant Flandrin des Glaciers, Christophe Darbellay.Samedi, les Verts auront une nouvelle présidence. Et dimanche, les Français pourront compter le merveilleux nombre de voix d'Eva Joly. A tous, ceux de Carouge comme ceux de Paris, on souhaite un excellent week-end. Et de doux lendemains, comme le Rayon Vert de Rohmer devant un couple, inoubliable, d'amoureux. Vive la vie, mes frères. En Vert, et contre tout.

«Ce parti, dont on nous promet tous les quatre ans l'explosion électorale, stagne désespérément»