Ukraine: la double appartenance

VU D’ICI • Hallucinante, la légèreté des appréciations, de Genève, sur la situation en Ukraine. Il y aurait d’un côté la méchante Russie, avec Poutine en Satan, de l’autre l’Union européenne comme salvatrice. D’un côté le Mal, la régression. De l’autre, le Bien, l’avenir. Il suffit de se rendre à Kiev ou d’interroger l’Histoire pour considérer à quel point la situation est plus complexe. L’Ukraine est européenne, elle est des nôtres, c’est sûr, sur le plan de l’appartenance continentale. Mais elle est aussi, par l’Histoire, l’économie, la culture, profondément liée à son voisin russe. La réalité de l’Ukraine, c’est cette double appartenance. La nier, dans un sens ou dans l’autre, c’est condamner ce pays au désastre. Ou au démembrement.

En novembre 2004, je m’étais rendu sur place au moment de la Révolution orange. L’Ukraine que j’avais rencontrée rêvait d’Europe, d’Occident, de liberté. Et ce rêve doit être respecté. Mais à quelques kilomètres de l’immense manifestation où nous étions, s’en tenait une autre, boudée par les médias occidentaux, de russophones. Chacune de ces deux tendances, de ces deux communautés, doit mériter notre attention. Nul avenir durable, pour ce pays, ne pourra se construire sur la négation de l’une des moitiés qui le constituent. Nous, les Suisses, qui sommes bien peu de choses face à ce pays et à l’immense Russie, battons-nous pour la paix. Et pour la coexistence. C’est une notion qui a fondé notre pays. Et fut l’une des conditions de son salut.