Votations du 19 mai: révolte et colère

DEVOIR CIVIQUE • Deux grosses enveloppes, pour nous présenter 11 votations: une abondance de pages imprimées, que les gens, hélas, ne liront pas. Nous sommes aux limites d’un système. La politique doit être simple. Et lisible.

  • Le citoyen va se trouver complètement largué au moment de voter. FRANCIS HALLER

    Le citoyen va se trouver complètement largué au moment de voter. FRANCIS HALLER

Traduire en termes simples les aspects souvent complexes de la vie politique suisse. Telle est, depuis trente-trois ans que je suis entré en journalisme professionnel, ma grande passion. Présenter aux citoyennes et citoyens les enjeux des votations. En fonction de ce qui les concerne, touche leur vie quotidienne, en élaguant tout le fatras des mots juridiques, «motion», «contre-projet», etc. Etre au service des citoyens. Etre lisible, audible, compréhensible.

Danger de découragement

Nombre de mes confrères et consœurs, dans ce journal comme à Léman Bleu, comme à Radio Lac, au Courrier, à la Tribune de Genève, etc., s’inscrivent dans cette démarche: être clair, simplifier, dégager les grandes lignes, mettre en perspective historique, aller à l’essentiel. Plus un journal est populaire – c’est le cas de celui que vous tenez entre les mains – plus cette ambition doit être impérieuse. C’est le seul moyen pour que la politique soit l’affaire de tous, et non d’une seule cléricature.

Face aux votations du dimanche 19 mai, je ne puis cacher ma colère. Non que nous votions sur les sujets proposés: loin de là, ils sont essentiels! Mais hélas, je vois venir comme un iceberg le danger de découragement et d’impuissance que va représenter, pour les citoyens, l’abondance de littérature reçue à la maison. Deux grosses enveloppes, nous expliquant en détail les tenants et les aboutissants de 11 sujets de votations, deux fédérales et neuf cantonales.

Je me mets à la place du citoyen qui ne regarde pas Léman Bleu, n’écoute pas Radio Lac, ne lit pas GHI, ni la TG, ni le Courrier, etc. Il n’a pas pu assister à nos innombrables débats, présentations de sujets, il n’a pas trop le fil continu de la politique dans la tête: eh bien je vais vous le dire, ce pauvre homme, cette pauvre femme, va se trouver complètement largué par ce train de votations du 19 mai! Parce que la brochure, aussi bien préparée soit-elle (le travail de la Chancellerie n’est pas en cause), demeure ce qu’elle est: un tas de pages imprimées. Qui, de nos jours, lit encore des centaines de pages papier?

Simplification

Evidemment, on pourrait avoir une lecture optimiste de cette histoire. Se dire qu’au fond, elle prouve la nécessité d’avoir des médiateurs. Des traducteurs. Des simplificateurs (dans le bon sens) de la complexité législative. Certes. Mais alors, comment ne pas nourrir colère et révolte face à une autre catégorie de médiateurs, ou de corps intermédiaires: les parlementaires? Dans le cas de la votation sur la Caisse de pension des fonctionnaires (CPEG), l’affaire est flagrante: le Grand Conseil a réussi l’exploit d’accepter deux projets de lois parfaitement contradictoires, celui de la gauche, et celui de la droite et du Conseil d’Etat! Dès lors, nous voilà, pour la seule CPEG, face à trois votations, l’une par loi, une autre encore pour la question subsidiaire (laquelle préférez-vous, si les deux passent?). Et une fois qu’on aura tranché ce profond dilemme, il nous restera neuf sujets!

Clarté

La politique, ça passe par la clarté. Le contrat avec les citoyens, ça doit reposer sur un pacte simple et lisible. Dans le cas du 19 mai, nous sommes hélas très loin de tout cela.