Le grand échec des libéraux

POLITIQUE • Ils ont trop privilégié la finance au détriment de l'industrie, négligé la frontière au nom d'une libre circulation sans entraves. Nous sommes maintenant dans un retour de balancier: l'Etat revient, la solidarité aussi. Le dogme libéral vit des jours difficiles.

  • Les radicaux ont repris du poil de la bête grâce à François Longchamp et Pierre Maudet.

    Les radicaux ont repris du poil de la bête grâce à François Longchamp et Pierre Maudet.

  • Les radicaux ont repris du poil de la bête grâce à François Longchamp et Pierre Maudet.

    Les radicaux ont repris du poil de la bête grâce à François Longchamp et Pierre Maudet.

A Genève, quelque chose est en train de s'effondrer. Non la politique, qui au contraire se porte très bien, avec une campagne pleine de vie et d'antagonismes. Ni un parti en particulier, ou peut-être si, je n'en sais rien, nous verrons le 6 octobre. Non, ce qui s'écroule doucement, c'est cette Genève des notables qui se tiennent depuis des décennies par la barbichette, se partagent postes et prébendes, s'octroient des mandats, excluent ceux qui ne sont pas de leur caste, méprisent les partis de la marge, se congratulent à longueur d'année dans les mêmes cocktails.

Monde fermé

Ce petit monde, tellement fermé, s'effondre pour deux raisons: d'abord parce qu'il est clos, justement, consanguin, beaucoup trop occupé à se contempler lui-même. Mais aussi parce qu'à travers ses relais politiques – longtemps, le parti libéral – il a opéré depuis près de vingt ans des choix calamiteux, privilégiant le capitalisme de casino sur l'industrie de proximité, les multinationales sur les PME, l'idéologie du libre-échange à leur seul profit, au détriment de la population résidente. Cela, à la longue, finit par se payer. L'addition pourrait être salée.

Luxe, calme et volupté

Oh, je sais, il paraît qu'on ne dit plus «les libéraux», ni «les radicaux». Le bruit court que ces deux partis auraient fusionné, et n'en constitueraient plus qu'un, appelé «PLR», et la greffe aurait si bien pris que tout n'y serait que luxe, calme et volupté. Il paraît cela, oui. La vérité est différente: autant les radicaux, naguère les petits de la famille, ont repris, grâce à MM. Longchamp et Maudet, du poil de la bête, autant la famille libérale semble en errance. Leur magistrate sortante n'a pas convaincu, et malgré de belles personnalités, ils peinent à émerger dans le débat politique, peut-être simplement parce qu'une certaine vision libérale, à Genève et en Suisse romande, se meurt.

Argent spéculé

La population genevoise, dans une majorité qu'elle pourrait bien montrer, tous partis confondus, le 6 octobre, ne veut plus entendre parler de la facilité de l'argent spéculé. Les Genevois n'ont rien contre les banques, ils savent ce que notre prospérité leur doit, mais ils aspirent au retour à un modèle de proximité et d'encouragement à l'économie locale, qui fait cruellement défaut depuis vingt ans, au profit d'investissements hasardeux dont on a vu le résultat. Qu'on le veuille ou non, les libéraux sont associés à cela. C'est dur, injuste même pour ceux d'entre eux qui se sont battus pour le petit commerce, mais c'est ainsi, il faudra payer la rançon de certaines images dévastatrices.

«Il faudra payer la rançon de certaines images dévastatrices»

Soutien aux bilatérales

Et puis, il y a eu ce soutien sans faille aux bilatérales, sans vouloir entendre parler de mesures compensatoires. Il y a eu cette négation de l'idée de frontière, au nom du dogme du libre-échange, juste pour faire des affaires et en laissant de côté la légitime souffrance d'une partie de la population genevoise. Cela, aussi, pourrait se payer cash. Oh, les libéraux sont encore parmi nous pour longtemps, ils ont une très belle palette de candidats. Mais l'aile humaniste, celle d'un Reverdin, est en déshérence. Et les choix d'argent facile des deux dernières décennies, il faudra, tôt ou tard, les payer. Le 6 octobre, le 10 novembre, ou peut-être à la Trinité. Avec intérêts.