Maudet: l'état de grâce, c'est fini!

SÉCURITÉ • Pour le jeune et brillant patron de la Sécurité à Genève, le temps des vraies difficultés commence. Braquages, délinquance de rue, problèmes dans les prisons, tensions avec les syndicats: on a parfois l'impression que rien, au fond, depuis Mme Rochat, n'a changé. Au-delà des paroles, Pierre Maudet doit maintenant produire des actes.

  • Piere Maudet, comme tous les polliticiens de grande race, a les défauts de ses qualités.

    Piere Maudet, comme tous les polliticiens de grande race, a les défauts de ses qualités.

Il fallait bien que ça arrive: l'état de grâce, pour Pierre Maudet, est terminé. Brillamment élu le 17 juin dernier, donné comme un sauveur après l'échec d'Isabel Rochat, communicateur de génie, soutenu par bien des journaux, l'éternel jeune prodige de la politique genevoise commence à buter sur les vrais cailloux, trouver dans les armoires les vrais cadavres, mais aussi à payer pour son inclination excessive à se vendre soi-même, en laissant entendre que tous les autres sont nuls. Maudet, comme tous les politiciens de grande race, les Pascal Couchepin, les Christian Darbellay, les Pierre-Yves Maillard, a les défauts de ses qualités. Il veut trop en faire en même temps, partout, sur tous les fronts. Il devra davantage cibler. Gouverner, c'est choisir.

FAIRE ET PRENDRE
En voyant à l'œuvre ce surdoué un peu trop pressé, on pense à ce vendeur de chars d'occasion qui refile à Astérix et Obélix un véhicule et un cheval rutilants, hélas très vite éreintés lorsque la couche de peinture s'est mise à fondre. Oh, nous n'en sommes pas là, et n'y serons sans doute jamais, mais il faut bien reconnaître qu'après la foudroyante campagne de ce printemps, digne de celle d'Italie par Bonaparte en 1796, après l'opération séduction de la police à l'Arena, nous entrons maintenant dans une autre période, plus prosaïque, celle du faire et du prendre, avec les problèmes du temps de Madame Rochat, oui les mêmes, qui remontent à la surface.

RÉFORMER TOUT SEUL
La situation dans les prisons? Elle ne s'améliore pas. Ce dimanche 11 novembre, trois mineurs s'évadaient de la Clairière, dont la directrice avait récemment démissionné, suite, déjà, à une multiplication de ce genre d'événements (lire en page 5). Pas mieux que du temps de Mme Rochat! Sur le front syndical, que Maudet avait très habilement réussi à calmer en début de mandat, les hostilités, liées au statut des gardiens de prison, ont repris. On accuse le conseiller d'Etat de réformer tout seul, à la hussarde, sans consultation. Là aussi, on retrouve (certes moins vives, pour l'heure), les tensions du règne précédent.

ÉRADIQUER LA CRIMINALITÉ
Les braquages de stations-service? Du côté de Thônex, à quelques mètres de la frontière, elles deviennent monnaie courante. Les braqueurs arrivent et repartent à pied, en toute impunité. On se croirait sous Madame Rochat. La petite criminalité, celle qui touche le plus les gens, n'a pas vraiment reculé, jusqu'à nouvel ordre, à Genève. Pierre Maudet va-t-il garder longtemps Monica Bonfanti à la tête de la police? Elle, qui n'a pourtant pas démérité et accomplit loyalement sa tâche, ne risque-t-elle pas de sauter, comme un fusible?

TOUT CONTRÔLER
Il y a aussi des décisions plus politiques qui étonnent. Par exemple, la suppression de l'Office des droits humains. Non que Pierre Maudet ait eu tort de s'en prendre à une instance dont la lisibilité et l'utilité n'éclatent pas d'évidence. En regroupant certaines de ses activités sous ses ordres directs, il confirme l'impression de vouloir tout contrôler. Avec le risque de dérive vers un pouvoir personnel. Pendant ce temps, un homme, très habilement, se tait. Reclus dans sa bonne ville d'Onex, Eric Stauffer laisse pourrir. Et attend. Les élections, c'est dans un an. A quoi bon porter l'attaque trop tôt ?